Cave Art Rocks

[Cave art rocks] S(il)ex toys

 

Fuzzyraptor continue l’aventure Cave Art Rocks, la rubrique de l’art pariétal et tribal Strange et Funky

 

A force de lire Rahan et de regarder “Il était une fois l’homme”, on en vient à oublier que les hommes préhistoriques étaient… des hommes (et des femmes) avec leurs envies et leurs pulsions. On ne vous en veut pas, même les chercheurs ont décidé depuis des dizaines d’années de détourner pudiquement le regard quand ils découvrent le moindre petit graffiti pariétal licencieux. Et quand ils osaient décrire ces scènes, c’était avec moult précautions oratoires…

 

double-phallus du Gorge d’Enfer

 

Du coup, pour secouer un peu toute cette bienséance, ces petits coquins d’espagnols ont proposé l’exposition "Sexe en pierre" ou “Sexe dans la pierre” (« Sexo en piedra » (1), du 23 septembre au 8 décembre derniers près du gisement archéologique d’Atapuerca, au Nord de l’Espagne. Marcos García Díez, préhistorien et un des commissaires de l’exposition a confié à Elodie Cuzin, journaliste pour Rue89, qu’on « on y (re)découvre les positions les plus variées, des scènes de masturbation, des godemichés, un cas potentiel de zoophilie et même un voyeur » (2). Vaste programme ! J’ai déniché pour vous deux diaporamas de l’expo, ici et , mais ne vous léchez pas trop les babines d’avance, ça reste chaste.

 

 

Affiche de l’exposition Sexo en piedra

 

En passant, et pour rendre hommage aux allemands, je souhaite également mentionner la « sexhibition » « 100 000 ans de sexe » qui s’est tenue au Musée de Néanderthal, à Mettmann en 2007. L’occasion de vous montrer un diaporama un peu plus coquin que les précédents.

 

phallus vieux de 22000 ans

 

Des sex toys pour témoins

 

En France, peu de monde a déjà abordé le sujet du sexe au temps de Cro-Magnon, sauf le couple de préhistoriens Brigitte et Gilles Delluc dans un livre et quelques sites internet dont Hominidés avec l’aide du préhistorien Henri Zaffreya (1 & 2).

 

On apprend par ces différentes sources (et quelques autres peu avouables que j’ai eu l’occasion de parcourir) que la sexualité au Paléolithique supérieur (entre 35 000 et 10 000 ans), avait de grandes chances d’être très semblable à la nôtre, et déjà liée au plaisir et non à la seule reproduction. En gros, ils faisaient l’amour comme nous, et pour les mêmes raisons que nous (même si on ne sait pas trop à quelle époque l’homme a compris que 9 mois plus tard…).

Mais pour l’affirmer, aucun témoin n’est revenu du fond des âges pour conter quelque histoire grivoise au coin du feu. Les préhistoriens n’ont à leur disposition que les films X et autres sex toys de l’époque : les peintures, gravures rupestres et les objets dits « mobiliers », comme les statuettes. Petit passage en revue.

 

 

Envoutantes Vénus

 

Commençons par les fameuses petites statuettes féminines nommées Vénus, ces femmes aux seins et fesses hypertrophiés. On en connait déjà une bonne tripotée (près de 250 d’après Hominidés) en Europe, souvent nommées d’après le lieu où elles ont été trouvées. En avant pour la galerie de Pin-ups:

 

La doyenne, plus vieille vénus de l’humanité

La Vénus de Hohle Fels ou Schelklingen  (Allemagne)

 

Venus d'Hohle Fels

(Hohle Fels, la même grotte où l’on a trouvé la plus vieille flute du monde!)

 

 

La Vénus de Willendorf (Autriche)

 

La Vénus de Willendorf

 

La Vénus de Dolní Věstonice (République tchèque)

 

La Vénus de Dolní Věstonice

 

et les petites françaises de Brassempouy et de Lespugue

 

la Dame de Brassempouy

La Vénus de Lespugue

 

Taillées dans l’ivoire de mammouth, dans l’os ou dans la pierre, et mesurant entre 4 et 25 centimètres, les statuettes sont remarquablement stylisées, ce qui les rend particulièrement émouvantes. L’ethnologue Alain Testard remarque que ces Vénus « ne sont pas réalistes » et que « les traits sexuels [seins, postérieur, sexe, ventre] sont accentués ». Le chercheur poursuit : « les Vénus sont souvent inexpressives, sans mouvement, d'une symétrie presque parfaite. (…) Je n'ai pas l'impression que l'on représente la femme, ce sont plutôt des représentations du symbole de la femme ».

Rien à voir avec le canon de beauté actuel représenté par les mannequins ou, si on veut rester dans les « figurines », par la filiforme Barbie. Ci-dessous, une rétrospective délibérément partiale des représentations féminines dans l’histoire et de l’évolution de leurs mensurations (si vous en connaissez, provenant notamment d’autres continents que l'Europe, nous sommes preneurs).

 

Vénus à travers les âges

 

 

Morphologie et réalisme dans la représentation féminine

Proportion BarbieProportion Barbie

 

 

Les hommes absents, ou presque !

 

Après ces nombreuses figurines à la gloire de la fécondité féminine et des capitons qui l’accompagnent, on pourrait s’attendre à trouver leurs équivalents masculins, plutôt portés sur la puissance musculaire. On est un peu déçu(e)s (ou pas ?!) en apprenant que des hommes, il ne reste que les représentations sculptées aussi appelées olisbos (on en apprend des choses mine de rien !) « en os ou en pierre, très lisses et de forme phallique, qui pourraient avoir été utilisés comme des godemichés ».

Cette interprétation est plutôt récente comme semble l’indiquer la journaliste Isabelle Falconier dans son article : « les nombreux bâtons phalliques (…) ont tour à tour été considérés comme des objets rituels, des bâtons de commandement ou des propulseurs de flèches, alors que tant leur taille, leur forme que leur symbolisme explicite les désignent comme les dignes ancêtres de nos godemichés en caoutchouc ». Et si vous n’êtes pas encore convaincus qu’on peut faire dire n’importe quoi à ces phallus, voici un extrait d’un autre article : « alors que les sociobiologistes y voient des godemichés préhistoriques uniquement destinés au plaisir féminin, les autres supposent qu'il s'agit d'outils rituels utilisés à l'âge de glace pour déflorer les vierges ».

Henri Zaffreya a décompté une quarantaine de gravures et de statuettes qui « couvrent tout le paléolithique supérieur sur la majeure partie de l’Europe : France, Espagne, Moravie, Autriche, Pologne (…) Il faut surtout noter l’existence de quelques pièces soignées, réalistes quand elles ne font pas preuve de créativité ou d’une surprenante fantaisie : Pendeloque de Saint Marcel, Double phallus de Gorge d’Enfer, Phallus à tête humaine du Roc de Marcamps… ». Du plus bel effet sur la cheminée de mamie ! En avant pour un panorama :

 

Encore une fois, la doyenne, vieille de 28 000 ans, a été trouvée dans la célèbre grotte d’Hohle Fels (par le non moins célèbre Professeur Conard), en 14 morceaux dont la reconstitution a cependant été très facile. L’objet mesure 19.2 cm de haut et 2.8 cm de large.

 

Phallus d'Hohle Fells

 

Et voici les autres variations sur le même thème.

 

Pendeloque phallique de Saint Marcel

Phallus d'El Pendo, des Gorges d'Enfer, de La Madeleine, de Blanchard et de Castanet

Roc de Marcamps

Homme / Femme : mode d’emploi

 

Après les Vénus et les phallus, vous connaissez sans doute moins les gravures de scènes sexuelles sur des plaques de pierres. Toujours selon l’article précédemment cité, « il y a 20 000 ans, des images mélangeant les parties génitales mâles et femelles ont remplacé les «Vénus». Les murs de la grotte de La Marche, en France, présentent de nombreuses images érotiques rappelant le Kamasutra. On y voit des pénétrations et une représentation de cunnilingus. Le niveau médiocre du dessin fait cependant plutôt penser à un graffiti réalisé par un individu isolé qu'à un art impliquant toute une société aux mœurs débridées ».

 

Gravure de la grotte de La Marche

 

 

Dans l’article d’Elodie Cuzin, Marcos García Díez cite également la Grotte de la Marche (près de Poitiers) de sa gravure « montrant une femme à quatre pattes devant une personne. Et, chose très rare, une autre personne en retrait [qui] semble les observer ». Après tout, les habitants de Pompéi décoreront leurs maisons de manière similaire quelques siècles plus tard.

 

Hic Habitat Felicitas, Ici réside le bonheur

 

Une autre gravure préhistorique, celle des femmes de Gönnersdorf (Allemagne) qui représente deux femmes enlacées fait couler beaucoup d’encre.

 

Femmes de Gönnersdorf

 

 

C’est une preuve que « l’homosexualité existait déjà à l’époque » poursuit la journaliste. S’ils en sont pratiquement sûrs, les scientifiques prennent tout de même cette affirmation avec des pincettes. Mais ce n’est pas le cas de certains blogs militants qui en font leurs choux gras… Le sexe dans la préhistoire, où comment appliquer nos propres états d’âme à des pratiques et des sentiments qu’on ne connaîtra jamais…

 

Notes :

(1) Une exposition qui fait bosser les blogueurs espagnols sur leurs titres. J’ai relevé « Sexo Sapiens », « El kamasutra del paleolítico » et mon préféré « El Sexolítico »

(2) Marcos García Díez a déjà coécrit un livre sur le sujet en 2005 avec Javier Angulo, un ami urologue passionné de préhistoire

>> Voir aussi :

"Sexo en Piedra" ve la luz en Atapuerca [es]

¿ Homosexualidad en Atapuerca ? [es] : article qui propose un .pdf sur le sujet, tiré du magazine de vulgarisation scientifique espagnol QUO

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