Strange Stuff And Funky Things

Bienvenue sur la page de l’Axolotl!
(english version here)

Des infos sur la bestiole
Des infos sur la voix

La bestiole sur laquelle vous venez de cliquer s’appelle un Axolotl. Comme nous l’expliquait Semik sur SSAFT:

En nahuatl (langue parlée par le groupe ethnique des nahuas, auquel appartenaient les Aztèques), axolotl se décompose en atl, l’eau ; et xolotl, le chien. Dans la mythologie aztèque, Xolotl est également le Dieu difforme à tête de chien associé au feu, à la mort, aux éclairs, et à un tout autre tas de trucs pas cools qui piquent et qui brûlent. Xolotl est le frère jumeau du très beau et adulé Quetzalcoatl (le miséricordieux et très funky serpent à plume). Bon généralement, dans les familles célestes, ce genre de situation crée quelques tensions. Sans trop rentrer dans les secrets de famille, Xolotl le méchant aurait essayé d’échapper au courroux du « gentil » Quetzalcoatl en prenant la forme de notre animal du jour. Raté: il est mort.

Un Axolotl (Ambystoma mexicanum), en vrai, ça ressemble à ça (on ne s’en rend pas bien compte, mais un adulte mesure entre 15 et 30 cm. ):

Et dessiné par le talentueux Vran (Aujourd'hui Ernst], ça donne ça:


Tous les Axolotls ne se ressemblent pas! En effet

…il faut savoir que depuis le premier élevage d'axolotl réussi, de nombreuses formes de couleurs variées sont apparues dont la très célèbre forme albinos qu'on ne connait à ce jour qu'en captivité. Voici un petit échantillon des différentes formes d'axolotl d'aquarium disponibles aujourd'hui:

À première vue, me diriez-vous, l’axolotl ressemble à un gros têtard à quatre pattes. Et vous ne seriez pas loin de la vérité.
L’axolotl fait partie du groupe des urodèles, les amphibiens qui gardent une queue à l’état adulte (ex: salamandre, triton), à la différence des anoures (ex: crapauds, grenouilles), groupe d’amphibiens qui eux perdent leur queue au cours de leur métamorphose (dont vous avez un schéma ici).

Pourquoi avoir choisi de donner une voix très virile à l’Axolotl alors? Et bien c’est pour illustrer un phénomène évolutif fascinant: la néoténie! Encore une fois, Semik nous explique:

Branchies "au vent", on ne peut pas dire que l’axolotl ressemble trait pour trait à son plus proche parent, Ambystoma tigrinum (la salamandre tigrée étasunienne).

Comparaison entre la salamandre tigrée adulte et l'axolotl adulte

La ressemblance est par contre beaucoup plus frappante lorsque l’on compare la forme larvaire d’Ambystoma tigrinum, avec la forme adulte d’Ambystoma mexicanum.

Comparaison entre la salamandre tigrée larvaire et l'axolotl adulte

Tout le monde l'aura remarqué, l'une des grandes différences entre la forme larvaire et la forme adulte d'Ambystoma tigrinum est la présence de branchies larvaires qui forment ce joli collier à la base de la tête de l'animal, caractère qui existe tout le long de la vie de l'axolotl. L’axolotl illustre un mécanisme qu’on appelle en biologie du développement la néoténie. Stricto sensu, la néoténie décrit le processus qui permet de conserver à l’état adulte des caractères juvéniles.
Dans le cas de l’axolotl, la maturité sexuelle est atteinte à l’état larvaire. L’étape de la métamorphose aurait été “perdue” chez l’axolotl au cours de l’évolution. Totalement perdue? Et bien non.
En l’an euh… Un mercredi, ça c’est sûr, et disons fin de la première moitié du vingtième siècle, Vilem Laufberger, physiologiste allemand, réussit à induire la métamorphose d’axolotl après administration de morceaux de glandes thyroïdes séchées de vache… Le même résultat peut-être obtenu de façon moins... exotique: en effet, la métamorphose de l’axolotl peut être induite par injection de thyroxine, une hormone thyroïdienne bien connue pour son rôle dans le contrôle de la métamorphose chez les anoures. L’axolotl a donc plus précisément perdu la capacité de production d’hormones nécessaires (et suffisantes) à l’induction de sa métamorphose, mais pas celle d’y répondre. A quoi ressemble le résultat en photo? N'en demandez pas plus:

Crédit photographique: Georgina Hoar

Vous ne trouvez pas qu'il y a un petit air ressemblance entre l'axolotl métamorphosé et la salamandre tigrée adulte maintenant?

Vous l’aurez compris, les axolotls d’aquarium sont donc en réalité des organismes adultes, capables de se reproduire, mais ayant conservé l’apparence Kawaï d'un juvénile (un phénomène plus généralement connu sous le nom d’hétérochronie et dont Boulet nous expose les dramatiques conséquences envisageables sur l’espèce humaine). Un résumé en chanson s’impose:

EDIT 2023 : À l'occasion de ma participation à l'émission La Science CQFD du 11/04/23 sur le thème de l'Axolotl, j'ai pu me replonger dans la bibliographie concernant ce fantastique amphibien :

J'ai beaucoup apprécié me joindre à Églantine Heude et Jean Raffaëlli pour discuter de la biologie, de l'évolution, de la conservation et de la régénération de cet animal. Cela m'a aussi permis de préparer une nouvelle compilation d'informations Strange et Funky que je rajoute sur cette page.

Étymologie : 
Grâce à ma catégorie #Etymozoo sur les réseaux sociaux, j'ai pu compiler quelques étymologies potentiellement utiles sur le sujet :
Axolotl, du Nahuatl āxōlōtl composé de ātl (eau) et xōlōtl (significations diverses dont jumeau, chien, esclave, gluant frippé). Xolotl était surtout une divinité du panthéon aztèque capable de se transformer en amphibien. A donc donné le nom de ces salamandres strictement aquatiques
Salamandre du grec salamándra (salamandre) qui pourrait avoir un lien avec le persan سمندر‎ , c.a.d. سام‎ (sâm, feu), and اندر‎ (andar, interne). Nombreux croyaient que ces animaux naissaient dans le feu.
Ambystoma : du grec amblús (émoussé) et stóma (bouche)

Pop Culture : 
Pour préparer la question "pourquoi l'axolotl est il si populaire ?" Je me suis mis en quête de quelques exemples de sa représentation dans la Pop Culture, à savoir :
- Dans Pokémon, les créatures Gobou (et ses évolution Flobio et Laggron) et Axoloto (et son évolution Maraiste) dont le design est inspiré par l'axolotl


- Dans la série de films Dragons, où l'apparence de Krokmou évoque un Axolotl


- Dans Minecraft


- Et pour les franco-français, comment ne pas parler de l'avatar de Patrick Baud Axolot (avec qui j'ai eu le plaisir de contribuer sur son livre Nature Secrète où justement figure l'Axolotl)


Biologie :

Beaucoup d'informations concernant l'axolotl étaient déjà présentes sur cette page, mais je vais compiler ici quatre fantastiques vidéos que j'ai utilisées pour mettre à jour mes connaissances sur le sujet, à commencer par cette hilarante vidéo d'archive sur l'Axolotl (avec plein de fautes d'orthographes et d'imprécisions scientifiques...) :

Cette vidéo très complète de l'excellente chaîne Real Science :

Et deux petites vidéos chez Castor Mother et Ted Ed :

Vous trouverez dans les liens de ce billet quelques lectures intéressantes, dont ce fantastique billet sur Gallica dont je ne peux m'empêcher de vous partager un extrait :

De nombreux noms scientifiques ont été attribués à l’axolotl, parmi lesquels les poétiques : Lusus aquarum ("jeu des eaux"), Piscis ludicrus ("poisson folâtre") et le plus terre à terre Gyrinus edulis ("têtard comestible"). De couleur blanche, jaune ou noire et fauve, cet animal résistant (il peut vivre en aquarium jusqu’à 15 ans !) est originaire du Mexique, plus précisément des eaux froides des lacs Xochimilco ou Chalco, non loin de Mexico. Mais pourquoi ce nom d’« axolotl » ? L’animal tiendrait sa dénomination usuelle d’un dieu mexicain nommé « Xolotl », qui selon la légende, se transformait en dragon d’eau pour échapper à ses persécuteurs.
 

Ce n’est qu’au XIXème siècle que l’Europe découvrit cet animal exotique. En 1803, Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland voyagent en Amérique latine et en ramènent leurs célèbres Recueils d'observations de zoologie et d'anatomie comparée, dans lesquels Cuvier décrit pour la première fois les axolotls. Leurs observations sont les suivantes : dotés de quatre pattes séparées en quatre doigts, l’animal aquatique mesure environ 15 centimètres, est doté de poumons mais aussi de branchies, et ressemble à s’y méprendre à la larve d’une salamandre.

En 1864, le Jardin d'acclimatation reçut pour étude trente-quatre spécimens vivants, envoyés par le maréchal Forey qui dirigeait l’expédition militaire française au Mexique.

Ce billet fourmille de sources anciennes numérisées donc n'hésitez pas à suivre chaque lien pour découvrir des pépites. Profitez de ce passage dans les liens de ce billet pour (re)lire Forever Young, une BD d'excellente qualité réalisée par des étudiant.e.s de mon UE de vulgarisation scientifique.


Néoténie :

Encore une fois la notion de néoténie (neos, jeune; teínein, étendre : jeunesse prolongée) est souvent revenue sur le blog. J'ai cependant découvert que le terme a été utilisé pour la première fois employé par le biologiste Kollmann vers 1882 pour désigner la capacité de certains animaux à garder des caractéristiques larvaires tout en sachant se reproduire. J'ai oublié d'évoquer cette image, mais cela reviendrait à voir deux chenilles se reproduire, sans passer par le stade papillon. J'ai aussi découvert que la néoténie était un phénomène fréquent chez les salamandres, en témoigne cette image tirée du site de Steven M. Carr, complétée de la légende suivante :

Plusieurs genres de salamandres apparentés ont évolué vers des formes cavernicoles sexuellement matures qui sont en permanence aquatiques : notez la conservation des branchies chez Typhlomulge et Gyrinophilus. Les salamandres Eurycea non métamorphosées ressemblent aux formes juvéniles des salamandres cavernicoles aveugles du genre Typhlotriton.

Ainsi, ce phénomène de convergence évolutive pourrait être expliqué par le milieu dans lequel vivent les axolotls et ces autres salamandres cavernicoles : un milieu très stable, avec peu de prédateurs et assez isolé d'un milieu terrestre classique. Chez les axolotls, il s'agit de grands lacs entourés de zones arides, dont nous parlerons plus tard dans la partie Conservation.

Génome :
Pour cette partie, heureusement que j'ai pu m'appuyer sur le travail de Genetix qui avait décortiqué l'article scientifique annonçant le séquençage du génome de l'Axolotl paru dans la revue Nature :

Tout y est, vous n'avez qu'à la visionner à votre tour !

Régénération :


Ici, je vous recommande le visionnage de cette vidéo de l'Envers de Lablouse :

Mais aussi l'écoute (ou la lecture) de l'émission de Podcast Science où Christine Rampon et Véronique Borday-Birraux nous expliquait les bases de la biologie de la régénération.
La régénération étant le sujet principal de mon laboratoire de recherche, je pense qu'on reviendra sur le sujet bientôt, car il y a beaucoup à en dire !

Conservation :
Le spécialiste du sujet lors de l'émission était Jean Raffaëlli qui nous a notamment évoqué les travaux de son homologue mexicain Luis Zambrano qui sont aussi résumés dans les deux vidéos suivantes dont je vous recommande le visionnage !

Vous l'aurez compris, coqueluche des aquariophiles et d'internet, l'Axolotl est donc paradoxalement en voie d'extinction dans la nature due à la fragmentation de son habitat qui remonte aux conquêtes espagnoles en Amérique du Sud. Gageons que ce symbole de la régénération puisse réaliser cette prouesse à l'échelle de sa population...

Liens :
Forever Young – Culture Biologique Numérique
Regeneration: The amphibian’s opus | Knowable Magazine
Histoire de l'Axolotl |Axolotl Passion
L’étrange axolotl | Le blog de Gallica
Axolotl.org
Absurd Creatures: This Salamander Could Teach Humans How to Regrow Limbs | WIRED
With some help from salamanders, will humans one day be able to regrow limbs? | STAT
Axolotl | Mexicolore
Regeneration: What the axolotl can teach us about regrowing human limbs - Science in the News
What Do We Lose If We Lose Wild Axolotls? | NOVA | PBS  
AmphibiaWeb - Ambystoma mexicanum

Références :
Baud, P., & Kerner, P. (2019). Nature secrète : Merveilles insolites du vivant. Dunod. Une salamandre aux pouvoirs extraordinaires
Henderson, C. (2013). The book of barely imagined beings : A 21st century bestiary. University of Chicago Press.
Arnaud Lardé et sa classe de Seconde (Lycée Thibaut de Champagne de Provins), L’Axolotl Éternel Adolescent in ESpèces n°44, Juin 2022, p. 60-66
Farkas, J. E., & Monaghan, J. R. (2015). Housing and maintenance of ambystoma mexicanum, the mexican axolotl. In A. Kumar & A. Simon (Éds.), Salamanders in Regeneration Research (Vol. 1290, p. 27‑46). Springer New York. https://doi.org/10.1007/978-1-4939-2495-0_3
Gerber, T., Murawala, P., Knapp, D., Masselink, W., Schuez, M., Hermann, S., Gac-Santel, M., Nowoshilow, S., Kageyama, J., Khattak, S., Currie, J. D., Camp, J. G., Tanaka, E. M., & Treutlein, B. (2018). Single-cell analysis uncovers convergence of cell identities during axolotl limb regeneration. Science, 362(6413), eaaq0681. https://doi.org/10.1126/science.aaq0681
Haas, B. J., & Whited, J. L. (2017). Advances in decoding axolotl limb regeneration. Trends in Genetics, 33(8), 553‑565. https://doi.org/10.1016/j.tig.2017.05.006
Nowoshilow, S., Schloissnig, S., Fei, J.-F., Dahl, A., Pang, A. W. C., Pippel, M., Winkler, S., Hastie, A. R., Young, G., Roscito, J. G., Falcon, F., Knapp, D., Powell, S., Cruz, A., Cao, H., Habermann, B., Hiller, M., Tanaka, E. M., & Myers, E. W. (2018). The axolotl genome and the evolution of key tissue formation regulators. Nature, 554(7690), 50‑55. https://doi.org/10.1038/nature25458
Reiß, C., Olsson, L., & Hoßfeld, U. (2015). The history of the oldest self-sustaining laboratory animal : 150 years of axolotl research. Journal of Experimental Zoology Part B: Molecular and Developmental Evolution, 324(5), 393‑404. https://doi.org/10.1002/jez.b.22617
Sámano, C., González-Barrios, R., Castro-Azpíroz, M., Torres-García, D., Ocampo-Cervantes, J. A., Otero-Negrete, J., & Soto-Reyes, E. (2021). Genomics and epigenomics of axolotl regeneration. The International Journal of Developmental Biology, 65(7-8‑9), 465‑474. https://doi.org/10.1387/ijdb.200276cs
Tanaka, E. M. (2016). The molecular and cellular choreography of appendage regeneration. Cell, 165(7), 1598‑1608. https://doi.org/10.1016/j.cell.2016.05.038
Wakahara, M. (1996). Heterochrony and neotenic salamanders : Possible clues for understanding the animal development and evolution. Zoological Science, 13(6), 765‑776. https://doi.org/10.2108/zsj.13.765
Ye, F., Zhang, G., E., W., Chen, H., Yu, C., Yang, L., Fu, Y., Li, J., Fu, S., Sun, Z., Fei, L., Guo, Q., Wang, J., Xiao, Y., Wang, X., Zhang, P., Ma, L., Ge, D., Xu, S., … Guo, G. (2022). Construction of the axolotl cell landscape using combinatorial hybridization sequencing at single-cell resolution. Nature Communications, 13(1), 4228. https://doi.org/10.1038/s41467-022-31879-z

Pour la doublure de l’Axolotl, il me fallait donc une voix très grave et virile, pour illustrer le paradoxe entre la forme Kawaï de l’axolotl et sa capacité à se reproduire comme un adulte. Or, l’homme à la voix la voix la plus grave que je connaisse est mon ami et (trop rare) contributeur sur ce blog: Akodostef.
Il s’est présenté ainsi sur le blog:
Diplômé d'une Maîtrise de médiation culturelle qui fut à peu près littéralement donnée à tous ceux de ma promotion, aujourd'hui assimilé cadre sans avenir dans l'édition juridique, je m'adonne par ailleurs à des passe-temps bizarres : chanteur dans un groupe de rock qui ne percera jamais, professeur de capoeira dépassé par ses élèves, amateur immature de jeux de rôles et jeux de plateau divers, je raconte aussi laborieusement ce que j'ai vu, entendu et fait de mes journées sans saveur sur le blog MemEsprit.
Akodostef a republié sur SSAFT un de ses articles paru sur MemEsprit et j’ai parlé se son groupe, GOne à plusieurs reprises (ici et là). Plus d’infos sur GOne sur leur page Facebook, Myspace, Telerama, Dailymotion et Youtube.
Je lui ai donc demandé de me fournir un enregistrement de sa voix de Barry White et voici le résultat avant modifications:

Merci infiniment à lui!