Le Mercredi on Converge

[Le Mercredi, on converge] Les plantes qui piquotent.

N'importe quel biologiste qui passerait par ce blog remarquerait certainement (ou devrait remarquer) que je n'ai pas encore parlé d'un type particulier d'organismes qui vivent sur notre planète. Et oui, j'ai parlé de bactéries (et même de bactéries martiennes), de champignons, et je ne parle pratiquement que d'animaux. Le gros gros absent, c'est le groupe des plantes. [Je sens les collègues biologistes qui vont lancer des "et les virus, c'est pour quand?" ou bien des "et les archées, tu les mets dans les bactéries peut être?" ou encore des "parce que les plantes, c'est un groupe monophylétique peut être?"... et à tous ces biologistes imaginaires qui bougonnent dans ma tête, je réponds, "les gars, faut être plus funky!". Fin de la parenthèse interminable...]
Donc les plantes. Hum, hum... C'est dur de trouver des sujets funky sur les plantes, mais ce n'est pas impossible. Comme tout organisme vivant, les plantes sont sujets à la sélection naturelle et on retrouve des espèces présentant des caractéristiques similaires bien qu'issues d'évènements évolutifs distincts. C'est le cas de certaines espèces de plantes qui arrivent à pousser dans des milieux très arides. Dans les déserts d'Amérique, on trouve principalement ce genre de plantes:



Et dans les déserts africains, on trouve ces plantes:

Euphorbia meloformis

La ressemblance est frappante, non? Et bien pourtant, ce sont des espèces très éloignées en terme de parenté. Les plantes désertiques américaines sont des cactus (famille des cactaceae) et celles poussant en Afrique sont des Euphorbes. Leurs caractéristiques très similaires font qu'elles sont souvent regroupées sous le nom de plantes grasses ou plantes succulentes. Pour mieux appréhender leurs similitudes, il faut se pencher sur la morphologie très particulières de ces plantes. Il s'agit dans les deux cas de plantes dicotylédones, qui fournissent des fleurs souvent très colorées (d'ailleurs, les caractéristiques des fleurs sont elles très différentes entre ces espèces, mais comme la floraison dans le désert est très rare, ce n'est pas un critère pratique pour les différencier). Dans les conditions d'aridité retrouvées dans le désert, l'une des priorité pour les plantes va consister à limiter la quantité d'eau perdue et optimiser la quantité d'eau puisée dans l'environnement. En temps normal, les plantes à fleurs qui sont des plantes vascularisées, font circuler les nutriments et l'eau dans leurs tissus à l'aide d'un système d'évaporation qui emprunte des sortes de bouches d'évacuation, les stomates, qui sont particulièrement nombreux dans les feuilles. L'évaporation devant être limitée chez les plantes désertiques, les feuilles sont souvent réduites, absentes ou prennent l'aspect d'épines (mais la plupart des épines des cactus sont des structures différentes que des feuilles, et constituent les aréoles). Les feuilles étant chez les autres dicotylédones la zone privilégiée où s'effectue la photosynthèse, la réduction des feuilles chez les espèces désertiques s'est accompagnée par une forte accumulation de chloroplastes dans les cellules de la tige de ces plantes (les choloroplastes sont des petites structures qui contiennent la chlorophylle dans les cellules végétales, et sont donc le siège de la photosynthèse). Et oui, Cactus et Euphorbes sont principalement des tiges photosynthétiques. Pour limiter l'évaporation, nombreux sont les cactus et les euphorbes qui sécrètent une sorte de cire couvrant l'ensemble de la surface en contact avec l'air. Enfin, le parenchyme de ces plantes constitue une réserve importante d'eau, typique des plantes grasses.
La myriade de caractères similaires entre ces plantes est donc assez impressionnante, alors que la seule observation de leurs fleurs permet indiscutablement de les classer dans des familles très différentes. Une autre différence fondamentale est le fait que seuls les euphorbes sécrètent un suc laiteux, un latex, blanc et très toxique. Il est passionnant de se représenter l'histoire évolutive menant les ancêtres des euphorbes et des cactus, situés il y a des millions d'années dans deux déserts différents, jusqu'aux plantes qu'on retrouve côte à côte dans un rayon d'Ikea...

Référence:
A. Bennici, The Convergent Evolution in Plants, Rivista di Biologia/Biology Forum, 2003 (pdf).

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