Certains d’entre vous l’ont peut-être remarqué dans leurs errances sur google, mais hier la page d'accueil de notre moteur de recherche préféré arborait un bien étrange logo. Pour ceux qui sont en retard, ou ceux qui liront cet article dans plusieurs centaines d’années, voici à quoi il ressemblait en ce jour du 20 mai de l’an de grâce 2009.
Avez-vous été un peu curieux? Pourquoi un tel logo sur une page visitée quotidiennement par des millions de personnes?
La réponse en image, on se retrouve juste après.
Sans rentrer dans de la traduction mot à mot, la (plus ou moins) jolie présentatrice de la BBC nous présente Ida, jeune primate fossile de 47 millions d’années exceptionnellement bien conservée: squelette complet à 95%, une fourrure qui se devine encore, et son dernier repas figé dans la pierre. Ensuite, la journaliste nous fait remarquer que la pauvre Ida a le poignet cassé, et nous emporte dans son imaginaire où elle voit l’animal attraper pleins de trucs, se balancer de branche en branche dans une forêt de l’Eocène moyen et puis hop, Ida se casse le poignet sur une branche glissante pleine de mousse paléogénique et tombe dans la boue d’un lac volcanique germanique...
Dans la plupart des médias anglo-saxons, Ida est présentée comme un "missing-link": un chaînon manquant...Chaînon manquant vous dîtes? Une dénomination sans aucun sens puisque l’évolution n’est pas linéaire, et puis chaînon manquant à quoi d’ailleurs? Ah oui c’est vrai. à l’échelle du vivant… Celui qui a crée tout cela aurait quand même pu finir le boulot...
Bref, toujours est-il qu’Ida est un superbe spécimen, on ne saurait lui retirer cela. Complet de la vertèbre la plus terminale à la phalange la plus distale, des tissus mous fossilisés, et un contenu intestinal! Alors que ce que le retrouve dans 99% des cas ne sont que dents ou morceaux de mâchoires...
Avant d’aller un peu plus loin dans les détails, un peu de background (et d’anglicisme par la même occasion) sur la phylogénie des primates:
Cette polémique autour du “missing link” (une de plus) débute il y a 55 millions d’années environs, et concerne l’ancêtre commun des anthropoïdés, en d’autres termes les singes. Les hypothèses qui tentent d'expliquer l’apparition des anthropoïdés se concentrent sur deux groupes:
1/ Les adapidae, aujourd’hui éteints. Les adapidae sont généralement placés parmi les strepsirrhiniens (primate possédant une truffe), les primates les plus basaux, dont les représentants actuels sont les lémuriens (sur l’île de Madagascar) et loridés (dont un superbe spécimen aime les guilis ici). Les strepsirrhiniens sont caractérisés par la possession d’un “peigne dentaire”, d’une “griffe de toilette” (respectivement "toilet claw" et "tooth comb" sur l'image ci-dessous).
2/ Les tarsiiformes, regroupant les omomydae (éteints) et les tarsiers qui avec les singes, font partis des primates sans truffes, les haplorhiens.
Petite précision, les lémuriens et les tarsier ne sont pas des singes (“au sens phylogénétique du terme”, je cite Taupo).
Pour résumé, la question est: l’ancêtre commun à tous les singes ressemblait-il plus à un lémurien ou à un tarsier?
C’est là que nous revenons à notre tourbillon médiatique qu’à causé Ida cette semaine. Une publication parue dans Plos One (disponible ici) décrit notre désormais très chère Ida en tant que nouveau groupe et espèce: Darwinius masillae, que les auteurs classent parmi les adapidae. Le squelette de Darwinius masillae ne possède en effet ni griffe de toilette, ni peigne dentaire, spécifiques, nous l'avons vu, des lémuriens et loridés. Darwinius masillae présenterait selon eux des caractères spécifiques aux primates haplorhiens (notamment au niveau de la forme des dents et d’un os de la cheville).
Or nous sommes là face un petit problème phylogénique: Les adapidae sont classés parmi les strepsirrhiniens.
Les auteurs proposent donc de déplacer le groupe des adapidae à la base des haplorhiens. Par cette petite gymnastique phylogénico-arboricole, on comprends bien que Darwinius masillae devient l’espèce la plus proche de l’hypothétique ancêtre commun à tous les singes, ce qui est beaucoup plus funky que de la laisser dans la lignée menant aux lémuriens!
À partir de là, rien ne va plus. La déferlante déferle. Un des auteurs de l’article a carrément affirmé qu’Ida est “le premier chaînon menant à l’homme”!
De nombreux paléontologistes restent extrêmement sceptiques à propos de la nouvelle (pour les plus modérés d’entre eux), et s'indignent de la pauvreté des arguments scientifiques apportés, compte tenu de la qualité de conservation du fossile. En effet l’étude comparative du squelette de Darwinius masillae ne se base que sur 30 caractères tandis que les études classiques analysent 200 à 300 traits avant publication.
Maintenant, en ce qui concerne l’absence des caractères spécifiques aux lémuriens chez Darwinius masillae, les auteurs ont peu considéré l’hypothèse d’une perte secondaire de ces caractères. Sous cette hypothèse, les adapidae appartiennent au groupe des strepsirrhiniens, et auraient perdu, au cours de l’évolution, griffe de toilette et peigne dentaire, tout comme les haplorhiens. Et dans ce cas là vous vous doutez bien que vous en auriez entendu parler dans les convergence du mercredi de SSAFT, pas un jeudi.
Se serait-on empressé de publier l'analyse de ce superbe fossile l’année du 200e anniversaire du père de la théorie de l’évolution et du 150e de la publication de notre bible?
Un bon point est qu'avec cette histoire, on détourne un peu l'attention des médias de la grippe porcine causée par le virus H1N1...
Référence de l'article:
Franzen JL, Gingerich PD, Habersetzer J, Hurum JH, von Koenigswald W, et al. (2009) Complete Primate Skeleton from the Middle Eocene of Messel in Germany: Morphology and Paleobiology. PLoS ONE 4(5): e5723. doi:10.1371/journal.pone.0005723
Liens vers d'autres billets sur le sujet:
Les billets d'Ed Young , Brian Switek, et de Carl Zimmer.
1 De porc - 16/07/2009, 17:47
La médecine a fait des progrès certes mais n'a as à son actif de nouveauté majeure...
Les grands léaux de notre temps ne connaissent toujors pas de vaccins ou d'équivalent
Ce qui a surtout fait accroitre l'espérance de vie c'est :
- La prévention
- Une meilleure hygiène de vie
- Le savoir
Je n'ai jamais dit qu'il fallait paniquer...En effet
1. d'une part c'est le meilleur moyen de perdre son sang froid
2. Il faut prendre garde aux effets médiatiques...plus il y a de la tourmente et pus on fera du tirage
En conclusion :
Pas de panique mais soyons vigilants
Ma Grand Mère est morte de la gripe espagnole en 1918....Ma mère s'est mise à bosser à l'âge de huit ans parce qu'elle n'avait plus de mère....
Sachons rester humble et respectons les conseils de ceux qui vous en donnent...
Vous savez qu'il y a toujours plusieurs lectures du même message...Peut être ferez vous plus confiance à tel ou tel conseilleur...Sachez discerner le vrai du cri inconsidéré...Vos propos me laissent à penser que vous êtes en mesure de le faire
2 De Michel Julien - 03/01/2010, 04:58
AUTRE CHAÎNON MANQUANT QUI MORT LA POUSSIÈRE!
En mai 2009 à New York une conférence de Presse en présence du maire Bloomberg, on présenta avec grande pompe, les résultats d’une étude d’un fossile le Darwinius masillae baptisé « Ida ». Malgré que très peu d’arguments scientifiques aient été apportés, cette nouvelle a faite le tour du monde. Le New York Daily News du 20 mai 2009 fit la remarque suivante: «l’annonce de la découverte de ce fossile, fait parti d’une campagne publicitaire très bien structurée.» Malgré la minceur des faits, on annonça qu’un documentaire était déjà produit et présenté la semaine suivant sur History Channel à grande écoute avec la complicité de la BBC. Pourquoi ne pas avoir attendu une contre expertise avant de produire un documentaire?
On avait même affirmé que cette découverte était comparable à l’impacte d’un astéroïde qui frappe la terre ! Lors de la cérémonie au musé, l’auteur de l’étude le biologiste et anthropologue Jorn Hurum du musé d’histoire Naturel d’Oslo affirma que «c’est le premier lien de tous les humains. Ida est le plus proche lien direct avec nos ancêtres.» et s’exclama «ce fossile va figurer dans tous les ouvrages didactiques des cent prochaines années». Il a même déclaré «c’est comme découvrir l’arche ou le saint graal !» Quelle vantardise, quelle présomption et quelle humilité!
On a appris plus tard que l’étude comparative du squelette de Darwinius masillae ne s’est basée que sur 30 caractères. Alors que la norme exige une analyse de 200 à 300 traits avant publication! Il me semble que la Revue PlosOne qui a publiée l’article, History Channel, la BBC, Nationale Géographie et autre Revues spécialisées ainsi que beaucoup de médias ont été plutôt complaisants dans cette affaire et peu soucieux de savoir si cette recherche avait été faite avec soin. La raison est simple. Les réfutations sont toujours très peu médiatisées et seront vite oubliées. On se souviendra plus du grand tapage publicitaire de la Conférence de Presse hélas. Les articles des Revues restent. Malgré que les informations soient fausses, le documentaire sera présenté à la télévision maintes et maintes fois au public. Pour la plus part des cas, sans rectifications ou mise en garde. Cela fait très longtemps que cette forme de propagande perdure dans le but d’endoctriner le publique au darwinisme.
Environ 7 mois plus tard. Une nouvelle étude annoncée en décembre 2009 qui elle n’a pas reçue le même tapage publicitaire réfute cette affirmation réalisée par Erik R. Seiffert, de l’Université Stony Brook de New York. Un examen plus approfondie de la dentition et de l’os de mâchoire a démontré qu’Ida n’est qu’une “simple” représentante des adapiformes une espèce disparue. Cette contre expertise a faite consensus. Il est étonnant qu’on n’a pas découvert dès le début qu’Ida était une espèce de singe disparue vu la qualité du fossile et les moyens techniques ultras sophistiqué énumérés dans l’article original. On a voulu démontrer au publique que l’étude a été faite avec sérieux semble t-il, mais tous laisse croire que ce ne fut pas le cas. À ton voulu tromper le publique encore une fois dans le but de prouver l’évolution comme ce fut si souvent le cas? À vous de juger...
3 De Nicobola - 25/12/2010, 14:39
Et ben voilà, le commentaire juste au dessus montre bien qu'à force de faire des coups publicitaires à la con ce sera repris avec une extrême aisance par les créationnistes.
Je me souvient quand il y a eu tout ce tapage sur Ida, je passait mon temps à râler "ils ont pas finit avec leur chaînon manquant", "ce fossile ne nous apprend pas plus de choses sur l'évolution de l'homme que sur celle du babouin" et "ben tiens, avec ce tapage et leurs remarques pseudo-scientifiques les créationnistes vont s'en donner à cœur joie"... Ils auraient au moins pu contacter des phylogénéticiens...
Par contre les expressions "à la base de" et "l’espèce la plus proche de l’hypothétique ancêtre commun" me laissent dubitatif.
En tout cas merci beaucoup pour cet éclaircissement!
4 De Taupo - 27/12/2010, 15:33
@Nicobola : Les expressions "à la base de" et "l’espèce la plus proche de l’hypothétique ancêtre commun" ne devraient pas te laisser dubitatif. La communication scientifique, tant est qu'elle doit rester précise, se doit aussi de tolérer une certaine souplesse pour la laisser digeste. Entre les expressions "à la base de" et "groupe d'émergence basale", plus correcte, tu admettras que le sens est préservé sans trop leurrer le lecteur... Et s'il est difficile de respecter scrupuleusement les règles de la nomenclature phylogénétique lorsque l'on aborde le sujet des ancêtres communs, j'espère que tu concéderas à Semik l'extrême précaution avec laquelle il essaie de traiter de cette idée.
5 De Nicobola - 27/12/2010, 22:43
Tout à fait, plus que concéder, je trouve l'article très bien expliqué et très bien vulgarisé malgré ma remarque. C'est juste que je n'arrive jamais à me retenir pour les discussions de ce genre ^^ Et j'avoue moi même être souvent contraint d'utiliser des expressions de ce type pour me faire comprendre. C'était plus une remarque entre personnes appréciant la systématique qu'un reproche!