8 jours se sont donc écoulés depuis la précédente devinette et il est temps de dévoiler les réponses à mes petites questions. Au départ je voulais véritablement écrire la présentation complète des ascidies pour aujourd’hui, mais la venue très proche de mon premier Lab Meeting (la réunion de labo où je dois présenter les résultats accumulés… pendant mes trois premiers mois!) bouscule un peu mes plans. Je vous délivre donc uniquement les réponses et vous fournirait un véritable compte rendu la semaine prochaine, si tout va bien (i.e. si je ne me suis pas fait démolir pendant ma présentation…).
Commençons tout de suite par désigner notre vainqueur! Il s’agit de Thieum66 qui, bien que n’ayant pas donné toutes les bonnes réponses, s’est vraiment bien débrouillé (mais qui es tu Thieum66?). Bref, tu l’as bien mérité alors voici ta médaille!
Et ton prix prestigieux: le droit de nous soumettre (et oui, j’embarque les deux autres zouaves dans les promesses que je fais tout seul…) un sujet de ton choix que nous nous efforcerons de traiter ici au plus vite! Bon je sais, c’est pas top, mais on est un peu bénévole dans le blog alors fallait pas s’attendre à Byzance!
Et maintenant, sans plus attendre, le moment que vous attendez tous: les réponses!
- Primo: parmi les images qui suivent, quelles sont celles qui représentent des ascidies
Et bien il s’agissait des deux images suivantes:
L’ascidie coloniale Botryllus schlosseri
La cione solitaire Ciona intestinalis
Et oui, difficile de ne pas les confondre avec des éponges comme la démosponge Amphimedon queenslandica représentée ici:
Ou bien encore le corail colonial Acropora millepora:
Et oui, dur dur de ne pas se tromper sur les relations de parentés en ne prenant en compte que la morphologie externe. En effet, il y a plein de processus évolutifs (comme la convergence évolutive, la divergence évolutive ou encore la réduction de complexité) qui rendent cette démarche très précaire. Heureusement, ces données sont aujourd’hui complétées par de très nombreuses données moléculaires (permettant de comparer l’incomparable sur le plan morphologique, comme comparer une bactérie, un champignon avec un mammifère) mais surtout des techniques de plus en plus sophistiquées pour modéliser l’évolution de ces molécules et ainsi permettre la reconstruction d’arbres de relations de parenté (les fameuses reconstructions phylogénétiques dont j’aime tant vous rabâcher les oreilles…). Transition toute trouvée pour vous apporter la réponse à la deuxième question:
Secundo: Quelles sont les relations de parentés entre les espèces représentées sur ces images?
Et bien les voici:
Je vous conseille d’agrandir l’image en cliquant dessus
La réponse est donc sous la forme d’un arbre qui retrace les relations de parenté entre les 12 espèces dont je vous avait donné les images et ce qui nous amène à répondre à la troisième et dernière question en vous présentant aux 8 dernière espèces:
L’étrange céphalochordé Amphioxus ou Branchiostoma floridae
L’hachuré poisson zèbre Danio rerio
L’inconcevable myxine agnathe (sans machoires) Eptatretus burgeri
Le piquant oursin pourpre échinoderme Strongylocentrotus purpuratus
L’ondulante hydre cnidaire Nematostella vectensis
L’ingénieux mammifère Homo sapiens (et précisément le génie Charles Darwin)
L’intrigante roussette chondrychtienne Scyliorhinus canicula
Et pour finir l’effroyable lamproie (agnathe également) Petromyzon marinus
L’erreur qu’a laissé Thieum66 dans sa réponse, c’est la position de mes fameuses ascidies, qui font partie du groupe des urochordés ou tuniciers. En effet, Thieum66 les plaçaient à la base du groupe des Deutérostomiens, plaçant ensuite les céphalochordés (représentés par l’amphioxus) comme plus proches parents des gnathostomes (les animaux portant des mâchoires). Et pourtant, qui l’eut crû, entre ces deux énergumènes:
Ce n’est pas le filiforme amphioxus, dont la morphologie est assez proche d’un poisson, qui est le plus proche parent des vertébrés, mais bien l’ascidie, qui ressemble pourtant à s’y méprendre à une éponge, une hydre ou encore du corail… L’ascidie est un exemple incroyable et précieux: celui d’un groupe dont l’évolution les a conduit à une réduction de la complexité de leur morphologie. Encore une fois, il faut se méfier des apparences!
Sur ce, je vais préparer mon lab meeting (puis, bien entendu, les prochains articles sur les Ciones…)
Encore félicitations à Thieum66 et à tous les autres concurrents!
Références:
Delsuc F, Brinkmann H, Chourrout D, Philippe H: Tunicates and not cephalochordates are the closest living relatives of vertebrates. Nature 2006, 439(7079):965-968.Dunn CW, Hejnol A, Matus DQ, Pang K, Browne WE, Smith SA, Seaver E, Rouse GW, Obst M, Edgecombe GD et al: Broad phylogenomic sampling improves resolution of the animal tree of life. Nature 2008, 452(7188):745-749.
Hejnol A, Obst M, Stamatakis A, Ott M, Rouse GW, Edgecombe GD, Martinez P, Baguna J, Bailly X, Jondelius U et al: Assessing the root of bilaterian animals with scalable phylogenomic methods. Proc Biol Sci 2009, 276(1677):4261-4270.
1 De thieum66 - 09/12/2009, 15:16
Je resterai modeste en répétant que j'ai un peu fait le bourrin pour trouver les noms des espèces : je suis pas un très bon naturaliste.
En tous cas, j'ai bien fait de participer à ton jeu, parce que je suis bluffé de voir les amphioxus raciner le groupe des urochordés/craniates (à ce propos, tu a appelé ces derniers Chordés sur ton arbre, c'est encore moi qui fait erreur?).
Je réfléchi à un sujet et je te soumet ça.
PS : j'abuse si je te demande de me mailer les pdf des deux Nature?
2 De taupo - 20/01/2010, 16:37
@thieum66 :Trente mille ans plus tard, je réactualise l'image de la phylogénie pour la rendre correcte. Une erreur s'y était glissée: Urochordé, Céphalochordés et Vertébrés sont tous des chordés. Le groupe des vertébrés peut être scindé en agnathes (ou cyclostomes) avec les lamproies et le myxines, puis le groupe des gnathostomes qui portent des machoîres.
Merci thieum66 pour la rectification. En cadeau, je t'envoie les 2 Nature (un peu à la bourre).
3 De Nicobola - 22/12/2010, 10:59
Placer les céphalochordés groupe frère des (tuniciers + crâniates) n'est pas à proprement parler une erreur, c'est juste une hypothèse phylogénétique qui est moins préférée aujourd'hui. En phylogénie il n'y a pas de "vrai arbre", mais tu es mieux placé que moi pour le savoir
Ha oui, je reste vieux jeu, je continue de parler de crâniates pour deux raisons: d'une si les relations de parentés au sein du groupe changent ce n'est pas pour autant qu'il faut changer son nom (on a pas remplacé chordés par olfactores) et de deux pour moi il est plus prudent de considérer une irrésolution à ce nœud. Le moléculaire a beau montrer des résultats très solides pour l'apparentement (myxines + lamproies), la morphologie le fait aussi pour (lamproies + gnathostomes). Mais surtout, tant qu'on aura pas plus d'arguments morphologiques pour étayer l'hypothèse cyclostomes, je reste prudent. La réversion (comme la convergence) ne sont pas des hypothèses réfutables: toute répartition de caractère peut-être expliquée par ce duo de choc. Et dans ce cas, on doit en imaginer un paquet des convergences/réversions chez les myxines/lamproie (je ne sais pas pourquoi on considère toujours par défaut des réversions chez la myxine, phylogénétiquement c'est de l'ACCTRAN/DELTRAN il n'y a pas a priori de choisir l'un ou l'autre). La recherche sur le développement de ces bêbettes nous permettra alors d'être plus sûr de ce regroupement. J'avais vu un article qui ne semblait révéler que des caractères plésiomorphes chez les myxines (placodes neurales etc. il me semble, faudrait que je vérifie). P. Janvier nous avait parlé d'un article récent sur les micro-ARN, allant dans le sens des cyclostomes (si même lui le dit alors...) il me semble, j'aimerais vraiment le trouver.
Et puis j'aime vraiment pas "agnathes" c'est vraiment un méchant grade initialement. Cyclostome à la limite c'est pas terrible dans la signification mais au moins ça désigne pas un grade comprenant des fossiles...
Woups j'ai pas mal écrit mais quand je me met à parler de phylogénie je ne m'arrête plus (j'espère que tu me comprends ^^)
4 De Taupo - 22/12/2010, 15:13
@Nicobola : Salut Nicobola,
Je suis d'accord avec toi, la plupart des réversions et convergences doivent être corroborées non seulement morphologiquement, mais également via des données développementales (de l'evo-devo en somme).
Je t'envoie le papier sur les phylogénies à base de micro-ARN qui semblent confirmer la monophylie du groupe des cyclostome.