Strange Animals

Fellation chez la chauve-souris : un avantage sélectif?

 

C’est la saison des prix, vous n’avez pas pu passer à côté, cette année on fête, entre autres innovations, le graphen et les bébés éprouvette. Mais loin, de Stockholm et de ses cortèges de nœuds papillons se déroule chaque année une autre cérémonie, moins réputée certes, mais autrement plus funky : celle des Ig Nobels qui récompense des travaux improbables pour leur faculté à (je cite) “faire d’abord rire les gens, puis les faire réfléchir”. Par le plus grand des hasards, il se trouve que l’Ig Nobel de biologie 2010 fait délicieusement écho à la série Galerie de Membres, dont je viens de publier le dernier épisode sur ce même blog. Je ne pouvais donc pas manquer l’occasion de rajouter une couche sur le pénis, organe (forcé de constater) source d’une grande activité scientifique, avec cette fois une petite variante puisque nous nous focaliserons, non pas sur le membre per se, mais sur un comportement qui lui est associé: la fellation.

 

 

La fellation en tant qu’acte sexuel (car la plupart des animaux mâles nettoient leur pénis avec ce qu’ils ont de plus pratique à portée, et c’est souvent leur langue) est un comportement rare. Si bien qu’avant la découverte d’un groupe de l’institut Guangdong d’Entomologie, on pensait qu’elle était le propre de l’humain et à l’occasion du bonobo (chez qui elle est parfois pratiquée en tant que jeu entre couples d’individus juvéniles). Et pourtant, une étude publiée par l’équipe chinoise dans la revue PlosOne montre qu’une espèce de chauve-souris frugivore, Cynopterus sphinx, pratique elle aussi cette friponnerie orale, avec une originalité cependant, puisqu’elle le fait exclusivement pendant le coït. En effet, alors que le couple adopte une posture face-à-dos lors de la copulation, il arrive que la femelle (qui tourne le dos au mâle) se penche en avant et lèche la base du pénis de son partenaire alors même que le gland se trouve encore à l’intérieur du vagin. L’opération est même répétée plusieurs fois au cours d’un même accouplement, une technique qui demande à la fois souplesse et fort étirement lingual :

 

chauves-souris en plein effort d’accouplement, avec participation buccale de la femelle (au premier plan) qui se penche pour lécher le pénis (plus sombre sur l’image) de son partenaire.  (Source : Tan et al, 2009)

 

Ainsi donc, nos lointaines cousines mammifères ailées, s’adonnent à certaines de “nos” pratiques sexuelles les plus récréatives. Mais dans quel but? Les femelles chiroptères ont-elles simplement trouvé là un moyen original d’augmenter le plaisir et la vigueur de leurs partenaires? Peut-être que oui, mais peut-être pas seulement. En tout cas, Tan et ses collègues, en toute rigueur scientifique, ont mesuré un net accroissement de la durée de copulation, lorsque celle-ci était accompagnée de quelques caresses buccales. Plus précisément, une seconde de fellation augmenterait en moyenne le temps de copulation de six secondes!

 

Comparaison de temps de copulation (en secondes) en absence ou lors de fellation durant le rapport sexuel. (image : Tan et al, 2009)

 

Sans aller plus loin dans leurs conclusions, les auteurs proposent plusieurs pistes à explorer, qui pourraient éventuellement expliquer comment un tel comportement a été sélectionné au cours de l’évolution. Voici leurs hypothèses :

  • Le léchage du pénis induit une lubrification, et donc une pénétration plus aisée.
  • La copulation prolongée augmenterait le rendement de la fécondation.
  • La salive (qui possède des propriétés bactéricides, fongicides etc…) préviendrait le développement des maladies sexuellement transmissibles.
  • La fellation faciliterait la perception de signaux chimiques associés au choix du partenaire.

 

Une étude à surveiller donc… à bientôt pour un article au dessus de la ceinture.

 

Références:

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