« CRISPR, la mutagenèse qui croustille [Le Mercredi on Converge] Les aventures de DipDip »
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Homo animalus
Billet présenté dans le cadre de l’event #psSortDuPlacard le 27 juin 2015 et diffusé simultanément sur Podcast Science et ScienceABilly. Retrouvez les dessins de l'émission ici et l'audio ci-dessous:
Acte 1, scène 1 – Taupo
Ami homophobe, tu trouves que personne ne te prend vraiment au sérieux et tu cherches à peaufiner tes arguments en leur donnant une caution scientifique? N’aie crainte, Podcast Science est là pour t’aider ! Suis le son de notre voix, tu verras, tout va bien se passer. Récemment, tu as voulu convaincre ton entourage que l’homosexualité n’était pas naturelle et que seule l’hétérosexualité l’était. Mais tu as raison, l’hétérosexualité est naturelle. Prends les guêpes des figues par exemple, ces guêpes qui, pour survivre doivent nécessairement pondre dans un fruit immature de figuier pour que leur progéniture se développe dans les tissus du végétal. Tu vois pas le rapport ? Et bien ces guêpes-là sont foncièrement hétérosexuelles, et, le plus naturellement possible, dans le fruit en formation, frangins et frangines guêpes vont copuler ensemble, Lannister style.
Quoi de plus naturel aussi que les rapports hétérosexuels des mantes religieuses qui se concluent généralement par la décapitation du mâle pour assouvir l’appétit féroce de la femelle. Je me suis d’ailleurs permis de modifier ton logo de la manif pour tous pour lui donner un ptit côté naturel à la mante religieuse du plus bel effet en remplaçant l’image du père avec un décapité, j’espère que tu apprécieras!
La nature, c’est aussi l’accouplement des girafes pour lequel le mâle va donner des coups de tête dans le popotin d’une femelle pour stimuler son envie d’uriner, urine qu’il va s’empresser de goûter pour déterminer si la femelle est prête à être fécondée.
Tu l’auras compris: inceste, cannibalisme et golden shower sont également très naturels! Et bon on a parlé de relations intraspécifiques mais il faut savoir que de nombreux animaux franchissent aisément la barrière de l’espèce et pénètrent ardemment les territoires inexplorés à travers les groupes taxonomiques. Doit-on citer les exemples des chimpanzés utilisant des grenouilles comme moyen de se masturber.
ou des otaries qui se défoulent sur des manchots,
ou suffit-il d’évoquer la prévalence de maladies vénériennes uniquement contractables entre humains et bétail pour rendre compte de la banalité de ce genre de comportement?
Acte 1, scène 2 – Billie
(Voix foncedé de hippie/yogi)
Merci Taupo de nous rappeler les douces merveilles du comportement animal 100% terroir bien naturel. la nature est un exemple pour nous tous ! L’Homme est un dégénéré sans repère naturel !
Maman ! (pré ado tirant sur la jambe de sa mère)
– mais non pas spécialement toi hubert !
– Dégénérée, c’est abusé, je veux aller à l’école !
– Écoute mon chéri, on t’a déjà expliquer avec papa que ce concept d’école n’est pas très naturel, va falloir oublier, d’ailleurs le concept même de concept n’est pas très naturel, tu le concéderas
– Mais je veux apprendre à lire !
– L’alphabet cette dégénérescence ! Tais-toi tu me fais honte, tu te comportes comme un intellectuel
– J’en ai marre je veux être sapiens pas bonobo de mes 2 !
Ferme ta bouche je te dis sinon j’envoie ton père te casser la colonne en 2, il va encore croire que je passe trop de temps à m’occuper de toi et pas assez à copuler pour répandre ses gènes dans la population
D’ailleurs demain, on va d’abord avec ta soeur à un atelier « tisse ta liane pour te masturber sans ton père » comme le font les bonobos et puis au goûter on finira le placenta de feu ton frère mort d’une gangrène bien naturelle. Tu aurais été fière de lui Rho et puis arrête avec toutes ces voyelles ! Franchement c’est pas naturel !
Je crois que l’on a compris, il n’y a pas vraiment d’argument valable pour dire que ce qui serait « naturel » serait socialement acceptable et aucun non plus pour considérer que ce qui serait « non-naturel » ne devrait pas être présent dans nos sociétés.
D’ailleurs, pour rajouter à l’absurde, la critique du « ce n ‘est pas naturel » se retrouve souvent , dans la même phrase, associée au reproches d’avoir un comportement bestial. Alors ‘faut être naturel mais sans être un gros bestiau. Ça ressemblerait pas à une construction artificielle et absconse le concept de « naturel » ? Le concept de naturel ne cacherait pas t-il pas être en réalité un nauséabond idéal de pureté ?
D’ailleurs les grecs anciens jugeaient l’homosexualité supérieure à l’hétérosexualité car,
pensaient-ils, non présente dans la nature, et donc permettant de nous élever de la condition animale..d’autres, à partir de la même idée reçue (l’homosexualité n’existe pas chez les animaux) verront cette orientation comme impure, devant être éliminée. POINT GODWIN atteint.
Acte 2, scène 1 – Taupo
Bon, du coup mon ami homophobe, ton argument du “l’hétérosexualité, c’est naturel”, j’ai l’impression que tu as plutôt envie de l’abandonner, changer ton fusil d’épaule, et essayer de persuader ton entourage que l’homosexualité n’existe pas dans la nature. Ben mon con, c’est pas ton jour de chance : des comportements homosexuels ont été observés chez des milliers d’espèces animales différentes et que ce soit pour l’activité sexuelle, les parades amoureuses et même le soin parental! Et ce ne sont pas bien entendu des relations exclusives entre mâles: prends les bonobos par exemple
(je sens de toutes façons que tu ne peux considérer cette expression que figurativement). Ils sont parmi nos plus proches cousins et passent la plupart de leur temps s’exercer à la chose dans un but non reproductif. Pour le coup (le bon coup), les femelles passent un temps considérable à se masturber les unes-les autres, souvent jusqu’à l’orgasme. Les mâles sont moins enclins à folâtrer mais il n’est cependant pas rare de les voir s’embrasser, se masturber voire s’exercer des fellations. Cette tendance est encore plus exacerbée chez les dauphins
où près de la moitié des mâles interagissent sexuellement avec d’autres mâles. Ce genre de comportement ne semble cependant pas complètement définitif et souvent, les relations homosexuelles renforcent des liens sociaux entre individus et peuvent même faciliter a posteriori leurs chances de se reproduire. Cela rentre donc dans un cadre évolutif théorique testable et offre une explication d’avantage adaptatif à l’homosexualité. D’autres cas comme chez les insectes,
illustrent plutôt des comportements homosexuels issus d’approximations de l’évolution où des mâles incapables de discriminer les phéromones de leurs partenaires choisissent de niquer tout ce qui passe à défaut de passer du temps à déterminer le sexe de son partenaire. Ce genre de phénomène peut même être provoqué non pas par un contexte génétique mais une influence environnementale, ce qui a été testé en rendant des mouches du vinaigres bourrées qui devenait parfaitement bisexuelles.
On trouve plus rarement des cas de préférences homosexuelles longue durée et exclusive : chez des béliers
par exemple qui préfèrent rester avec des mâles toute leur vie, dans une relation homosexuelle monogame. Certaines brebis, pour obtenir les faveurs de ces mâles homo, n’hésitent pas à imiter le comportement des mâles pour les leurrer!
Acte 2, scène 2 – Billie
Partie limites et difficultés d’étudier les comportements sans anthropomorphisme
Si la première mention de l’homosexualité dans le règne animal remonte à la Grèce antique, les premières études scientifiques les mentionnant remonte à 1764. Et depuis lors, de nombreux écueils n’ont pas su être évités. Tout d’abord,il fallait l’observer car toute relation était supposée hétérosexuelle (et oui c’est pas forcement de deviner le sexe d’une baleine à 50 m de profondeur)
et puis après constat, il fallait oser en parler. Et oui de l’aveu de nombreux zoologistes, l’autocensure est courante, de peur de ne pas maîtriser les réactions homophobes des lecteurs et des confrères. Car décrire le phénomène c’est prendre le risque d’être soupçonné ou d’être interrogé sur ses motivations de rapporter précisément ces faits-là.
D’avoir à se justifier sur sa propre sexualité. Et puis, lorsque l’on a le courage d’en parler, il n’est apparemment pas aisé de s’abstraire d’un regard anthropomorphique et moralisateur.
Sisi , mon histoire préférée (et symptomatique) c’est celle de ce chercheur qui décrit les comportements homosexuels des papillons azurés de l’atlas marocain en 1987.
Déjà courageux le type, il intitule son article « une note sur la baisse apparente des standards moraux chez les lepidoptères » ..les standards moraux chez les lépidoptères.
Genre: Oui bonjour je suis un lépidoptère bien éduqué qui ne butine que des fleurs consentantes moi, mais mon voisin, il n’a pas les mêmes valeurs, c’est pas que du nectar qu’il butine ! !
Mais en plus, les observations de l’entomologiste « scout toujours », seront lors de sa publication, préfacées par la suivante et pontifiante déclaration:” Triste signe de notre temps, les journaux nationaux regorgent trop souvent de détails scabreux de ces horribles offenses sexuelles commises par notre notre espèce Homo sapiens, révélateurs du déclin des standards de la morale. Malheureusement, dernièrement la littérature entomologiste ne semble pas déroger à notre époque »
Ambiance…
Puis finalement quand on parle de comportements homosexuels chez les animaux c’est en utilisant des termes biaisés et plein de jugements moraux comme avec les mots péchés , perversion, résultat du confinement, une phase ado. etc…. Les études ne peuvent se détacher d’un certain anthropomorphisme. Ainsi 2 femelles renardes engagées dans des activités homos ont été décrites comme ayant « un comportement rabelaisien »…
en jugeant ainsi ces comportements, les scientifiques ont beaucoup de difficultés à rendre compte de la diversité des comportements homosexuels. D’ailleurs, aussi variés chez l’Homme que chez les autres espèces (si l’on prend en compte, l’âge des partenaires engagés, leur orientation sexuelle, le consentement, les liens de parenté entre les intéressés, les statuts sociaux…) Ils faudrait en réalité parler DES HOMOSEXUALITES.
Enfin lorsque des zoologistes décrivent des comportements homoS, ils ont tendance à vouloir les justifier en dehors de toute rigueur scientifique. Mon exemple préféré (oui , encore) c’est celui de ce zoologiste qui en observant 2 males ourang outans se suçant
réciproquement, justifie ce comportement comme « non sexuel » mais « nutritif ».
Ou encore ce scientifique qui en observant deux jeunes lamantins se branler mutuellement, préférait voir ça « comme un concours d’endurance ».
Acte 3, scène 1 – Taupo
Bon allez, faut qu’on arrête de te charrier un peu. En fait, il existe bel et bien dans la nature un moyen pour que tu ne te retrouves pas confronté à des homosexuels, des espèces animales chez qui les homosexuels n’existent pas. Intéressé? Et bien mon ami, il faudrait alors que tous les humains deviennent des hermaphrodites! A la manière d’un grand nombre de gastéropodes, on se retrouverait avec des fabriques à sperme et ovules. Faut pas croire qu’on se retrouve sortie de l’auberge pour autant parce qu’il reste quand même l’enjeu du transfert équitable des ressources investies dans la production des ovules et des spermatozoïdes. Si je te pompe tout ton sperme, y’a intérêt à ce que je puisse arroser tous tes ovules, OK! Pour pas se faire baiser tout en baisant, des gastéropodes
ont développé un système où ils se poignardent avec des dards d’amour pour favoriser la dissémination de leur semence: du coup, ça t’irait?
Y’a encore plus radical comme solution en optant, comme certaines étoiles de mer hermaphrodites, à la fécondation externe, soit en ne se reproduisant que de manière asexuée.
Finalement, le monde qui te permettrait d’éviter d’avoir à te confronter à l’homosexualité, c’est celui dans lequel il n’y a pas de sexualité.
Acte 3, scène 2 – Billie
Alors tu veux vraiment prendre la nature comme règle, ben courage mon gars parce que la nature elle n’a pas de règle et pas de morale. Le vivant parfois n’a pas de sexe, ne fait pas de sexe et quand il en a, et quand il en fait, c’est un gros bordel dans la sexualité. D’ailleurs, on a parlé d’homosexualité et d’hétérosexualité au sein d’une même espèce. C’est quand même ne pas avoir l’esprit très ouvert vous ne trouvez pas ? Vous faites pas du sexe avec des drôles de bestioles ? Ben moi si, je l’avoue. Je fais des trucs dégueulasses. Je fais du sexe avec des bactéries avec des virus et encore moi je suis soft… Oui parce que pour un biologiste, on peut définir comme sexuel tout échange de gène. Alors quand un virus me pénètre en me laissant comme cadeau des petits morceaux de son adn dans celui de mes cellules, on peut dire qu’on a fait du sexe. D’ailleurs il y a des bactéries qui font du sexe avec les cousines mortes, pour leur pécho des gènes intéressants.. où il y a du gène il y a du plaisir, ou il de la nature, il y a une grosse touze.
Oui, je l’avoue je suis biosexuelle et biophile.
Cette intervention lors de l'émission radio dessinée #PSSortduplacard a inspiré les dessinateurs de Strip Science invités. Florilège de Diti, Gleb, KaM, Mel, Phiip, Sef… et moi:
Liens:
Pleiotropy: Vertebrate Sexual Systems
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Homosexuality is Catholic in Animal
Homosexual Behavior in Animals
Gay Animals
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L’homosexualité au Musé d’Histoire Naturelle
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Sexe, Bio, Diversité et Norme
Bêtes de Sexe 1
Bêtes de Sexe 2
Scientists Discover Evolutionary Advantage to Homosexual Sex
1500 Animal Species Practice Homosexuality
30 Strangest Animal Mating Habits
How Natural is Homosexuality
Animals Homosexuality
Intelligent Homosexuals Guide to…
Références:
Bailey, N. W., & Zuk, M. (2009). Same-sex sexual behavior and evolution. Trends Ecol Evol, 24(8), 439-446. doi: 10.1016/j.tree.2009.03.014
Livres:
Bagemihl, B. 1999. Biological Exuberance: Animal Homosexuality and Natural Diversity. St. Martin’s Press. 752 pp.
de Waal, F. 1997. Bonobo: The Forgotten Ape. University of California Press, Berkeley.
de Waal, F. M. B. & R. Ren (1988): Peacemaking among Primates. Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts).
Roughgarden, J. 2004. Evolution’s Rainbow: Diversity, Gender, and Sexuality in Nature and People. University of California Press. Berkeley CA. 474 pp
Sommer, V & P. L Vasey (2006): Homosexual Behaviour in Animals, An Evolutionary Perspective. Cambridge University Press, Cambridge.
Par taupo, vendredi 3 juillet 2015. Lien permanent
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