Coprologie

Plantes carnivores ou plantes de chambre?

 

Nepenthes Iowii
 


Vous vous souvenez peut-être des articles de Vran sur les plantes carnivores (1 et 2), puis de ma croisade effrénée pour minimiser leurs exploits face à ceux d'animaux drastiquement plus impressionnants (riposte 1 et riposte 2). Et bien je crois avoir trouvé l'ultime humiliation qui va ternir à jamais la réputation de ces pauvres végétaux.
Comme nous l'avait appris Vran, les plantes carnivores puisent l'essentiel de leur azote (symbole N) en digérant les matières organiques qu'elles capturent passivement ou activement. Ces plantes poussent le plus souvent sur des sols pauvres en N ce qui laisse suggérer qu'il s'agit des survivantes ayant bénéficié d'une innovation leur ayant octroyé la possibilité de trouver cette autre source de N (comment elle claque cette phrase!). Mais si la nécessité ultime derrière la sélection de ces innovations, c'est de récupérer du N, on peut s'attendre à ce que la source varie d'une plante carnivore à l'autre. Par exemple, que se passerait-il si une source majeure de N, comme des insectes, se faisait rare? Et bien c'est dans ce contexte que je vous présente Nepenthes Iowii.
Nepenthes lowii, est une espèce de plante carnivore dont les pièges prennent la forme caractéristique d'une urne (ou plutôt d'une cuvette dans le cas suivant...). Il s'agit d'une espèce poussant sur les flancs de montagne de Bornéo, et qui a la particularité de produire deux types de pièges dont la forme et la fonction varie grandement. Au début de la vie de la plante, les pièges sont typiques du genre Nepenthes et capturent essentiellement des fourmis ou d'autres arthropodes qui passent à l'occasion. Mais quand la plante atteint une certaine hauteur, les urnes typiques font place à des sortes de cuvettes aux bords évasés et avec une partie attractive nettement plus développée. Mais le plus surprenant, c'est que les substances glissantes qui tapissent les parois de l'urnes ne sont plus secrétées. Pourquoi se priver ainsi d'un tel atout pour la capture d'insectes? Et bien c'est tout simplement que la plante n'est plus en quête de fourmis ou d'araignées mais de ... fientes de petits mammifères comme les scandentiens (Tupaia, Ptilocerque, Dendrogale... des ptits mammifères quoi!).
 

 

Scandentien, Ryan Photographic
 


Des chercheurs de Bornéo ont ainsi émis l'hypothèse que les pièges attirent les mammifères qui, pour se délecter du nectar, doivent se retrouver dans un position idéale pour faire dans le pot. Une solution idéale pour récolter du purin bien frais. L'hypothèse a été testée en évaluant l'origine du N contenu dans les feuilles et pièges de Nepenthes iowii et il a été évalué que les crottes de scandentiens fournissent de 57 à 100% de l'azote de cette plante... crottivore.
 

Toupaye sur le pot
 


Il s'agit donc d'une relation symbiotique entre la plante et les scandentiens, où chacun bénéficie d'un apport nutritif (relativement appétissant...) dans un environnement assez hostile. M'enfin bon, y'a pas à dire, passer de piège impitoyable à pot de chambre, c'est la méga honte... Sur ce, une petite vidéo nous montrant la transaction:


Liens:
Article skeetersays

Référence:
Clarke, C., Bauer, U., Lee, C., Tuen, A., Rembold, K., & Moran, J. (2009). Tree shrew lavatories: a novel nitrogen sequestration strategy in a tropical pitcher plant Biology Letters, 5 (5), 632-635 DOI: 10.1098/rsbl.2009.0311

Ajouter un commentaire

URL de rétrolien : http://ssaft.com/Blog/dotclear/?trackback/243

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.


2270-4027