Coprologie

La vie extraterrestre ou les pets martiens.

Je me dépêche d'écrire un article sur ce sujet histoire de marquer le coup. N'ayant pas la télé, je ne me rends pas compte de l'arrosage médiatique qu'entraîne cette nouvelle, mais tant pis pour la redondance (au moins, si vous ne comprenez pas quelque chose ici, vous pourrez m'engueuler parce que je ne suis pas assez clair...).
Bref, l'annonce est simple: il y a peut être de la vie sur Mars. (Si ça vous semble familier, revenez sur vos pas, relisez bien, oui c'est ça, ce n'est pas l'habituelle nouvelle "il y a peut être EU de la vie sur Mars", mais bien une information concernant une présence de vie actuelle sur Mars que je vous présente aujourd'hui!).
L'annonce fait suite à la publication des résultats présentés très récemment par Michael Mumma, chercheur de la NASA, et qui, à l'aide de télescopes terrestres, a observé pendant 5 ans les émissions de gaz à la surface de la planète rouge. Voici une petite animation qui nous permet de comprendre comment, à l'aide d'un spectroscope, on peut identifier des molécules chimiques qui absorbent certaines longueurs d'onde de la lumière visible:


Dans son très court article publié dans la revue Science, Mumma présente ses données qui suggèrent qu'en 2003, pendant la saison estivale de l'hémisphère nord de Mars, de très fortes concentrations de méthanes étaient étalées de manières hétérogènes sur une surface restreinte. D'autres mesures lors de l'équinoxe martienne en 2006 ont permis de constater que ces concentrations ont très fortement chuté. Sur l'image suivante, les zones en rouge représentent des régions où les quantités de méthane sont les plus importantes (environ 30 ppb). Ce sont des quantités semblables à celles observées près de gisements naturels sur terre.

Répartition de méthane sur la surface de l'hémisphère nord martien en 2003


En quoi la nouvelle est si importante? Et bien il s'avère que le méthane est un gaz assez rare et que sa durée de vie dans l'atmosphère est assez réduite (quelques centaines d'années). En d'autres termes, pour que de telles quantités soient apparues dans l'atmosphère martienne, il faut qu'elles aient été synthétisées à un certain moment, stockées en profondeur, puis relarguées en 2003. Là où ça devient très intéressant c'est qu'il n'y pas énormément de scénarii capable d'expliquer la synthèse de méthane. Mumma juge que parmi eux, certains sont très improbables (un apport par comètes ou pluies de météorites), et d'autres, bien que surprenants, sont plus envisageables. Voici une vidéo qui explique les quatre hypothèses envisagées:


L'hypothèse géologique se base sur certaines données terrestres qui montrent qu'à très forte températures, certaines roches peuvent se transformer en libérant du méthane. Cela suggèrerait soit qu'il y ait encore une activité volcanique souterraine sur Mars, soit que ces poches de gaz aient été coincées dans des structures particulières pendant des milliers voire des millions d'années, et que Mumma ait eu la chance incroyable de détecter une fuite de gaz... Toujours est-il que même sur Terre ce phénomène est assez rare.

A vrai dire, sur terre, 90 % du méthane est synthétisé par des êtres vivants. C'est entre autre pendant la décomposition de nos aliments que les bactéries de notre flore intestinale garnissent nos flatulences d'une pointe de ce gaz inflammable. Le méthane est également le déchet qu'émettent des bactéries terrestres enfouies entre 2 et 3 km sous terre sous le bassin de Witwatersrand, en Afrique du Sud. La particularité de ces micro-organismes, est qu'ils utilisent comme source d'énergie le CO2 ambiant et du dihydrogène (H2) qui, lui, est issu de la lyse (le cassage) de molécules d'eau par des roches radioactives présentes à cette profondeur. On parle de Radiolyse:


Sur mars, pas de problème en ce qui concerne le CO2 qui compose 95,3% de son atmosphère (sur terre, pour le moment il forme 0,035% de notre air). Par contre, on sait à quel point la recherche de l'eau  sur Mars est intense (l'eau doit être à l'état liquide pour que la vie, telle qu'on la connaît, prolifère). A de grandes profondeurs dans la croûte martienne, qui sait s'il n'y a pas de l'eau liquide dans laquelle baignerait des micro-organismes exhalant des tonnes de méthane? Peut être est-il même envisageable que les exhalaisons de méthane soient des phénomènes saisonniers favorisés par le réchauffement de la surface martienne... Toujours est-il que la question est posée, et que j'aimerais réellement qu'une réponse y soit apportée de mon vivant. Une piste de recherche pour commencer à départager les différentes hypothèses sera de déterminer la composition en isotopes de ces dégagements gazeux. En gros, il s'agira d'envoyer une sonde analyser ce phénomène, et en fonction du résultat, on pourra déjà savoir s'il s'agit d'un gaz très vieux, ou récemment synthétisé.

Laissons le dernier mot à Michael Mumma:


Ref.: Strong Release of Methane on Mars in Nornern Summer 2003,” MJ Mumma et al, Science January 15, 2009
Article de Carl Zimmer sur son blog.
Article de Futura Science
Article SCIAM

Edit 2020:
Depuis 2009, et malgré l'envoi de plusieurs rover sur la planète rouge, le mystère de ces émissions de méthane n'est toujours pas résolu. Ce qui fait que ce dessin réalisé par Jul en 2011 sur Strip Science pour illustrer mon billet est toujours pertinent!

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