Freaky Friday Parasite

[Freaky Friday Parasite] Le plus terrible des parasites du monde!

Aujourd'hui, on arrête de rigoler parce que le sujet que je vais aborder est d'une très rare gravité. Je vais en effet vous parler du pire parasite du monde. Endémique de pratiquement toutes les civilisations humaines, ce parasite semble toucher pratiquement toute l'espèce humaine, avec une nette préférence pour la gente masculine. Sa nature et son mode de fonctionnement sont encore peu compris par la communauté scientifique et même si des efforts récents nous laissent espérer une solution, il faudra pour l'instant vivre dans la crainte et l'exaspération, toujours prêts à retrouver cet être dans notre nombril: oui, dans notre nombril, car le parasite de la semaine n'est autre que la peluche du nombril (Peluca umbilicus).

Peluca umbilicus vert

Je sais, je sais, ce sont des images insoutenables, mais il faut que le monde les voit pour commencer à réagir face à ce fléau.
En effet, encore trop peu d'équipes de scientifiques se sont penchées sur ces petites structures de fibres cotonnées. L'un des pionniers dans ce domaine de recherche a pourtant gagné un prix Ignobel qui récompense les découvertes "qui font d'abord rire, puis ensuite réfléchir" et qui de manière générale est décerné aux chercheurs qui n'ont pas peur d'aller jusqu'au bout de leurs recherches, aussi futiles soient elles... C'est exactement le genre de courage qu'il a fallu à Karl Kruszelnicki, l'heureux prix Ignobel 2002 dans la catégorie interdisciplinaire, et puis plus récemment le Dr. Steinhauser pour mener à bien leurs études. Karl Kruszelnicki s'est tout d'abord inspiré des recherches menées par un scientifique amateur appelé Doug. Doug se posait la question suivante:
Pourquoi ai-je des peluches de nombril et pourquoi sont-elles bleues?
Pour répondre à cette question, Doug se mit à réfléchir et émit une hypothèse: peut-être qu'il s'agit des poils autour de mon nombril qui facilite l'accumulation de fibres à l'intérieur. Pour tester cette hypothèse, Doug réalisa deux expériences successives: la première fut de raser ses poils ventraux sur une zone en forme de disque autour de son nombril, et la deuxième fut de ne raser que la partie située en dessous du nombril. Pour chaque expérience, Doug enregistra l'effet de la manipulation sur la quantité de peluches collectées. Selon ses résultats, la quantité de peluche est drastiquement réduite après rasage, même s'il s'agit uniquement du rasage de la partie sous le nombril. De plus, Doug a noté que la couleur de ses peluches concordait plus souvent avec celle de ses sous-vêtements qu'avec celle de ses hauts. Doug avait donc réalisé un premier pas dans la recherche en posant le modèle d'une autoroute de poils facilitant le transit et l'accumulation de fibres dans le nombril.
Interloqué par cette série d'expériences audacieuses, le docteur australien Kruszelnicki voulut obtenir des données statistiquement significatives et lança un questionnaire (1) sur son site dont voici les questions:
1. Prénom (facultatif):
2. Age:
3. Sexe:
4. Degré de pilosité:
5. Avez-vous une pilosité subombilicale formant une sorte de trace d'escargot? (exemple ici)
6. Degré de la pilosité subombilicale:
7. votre nombril est-il invaginé ou dévaginé? [vous savez qu'il y a plusieurs types de nombrils, d'ailleurs certains utilisent ce dimorphisme pour réaliser des jeux sexuels pervers]
8. Décrivez votre corpulence:
9. couleur de la peau:
10. Type de peau:
11. Avez-vous un piercing au nombril?
12. Avez-vous des peluches du nombril?
13. Si oui, de quelle couleur sont-elles?
14. Avez-vous remarqué un lien entre la couleur de vos peluches de nombrils et la couleur de vos vêtements?
15. Si oui, quels vêtements?
16. Quelle machine à laver utilisez-vous (ouverture sur le haut ou sur le devant)?
17. Avez-vous entrepris l'expérience de Doug sur votre nombril?
18. Si oui, avez-vous remarqué une diminution de peluches de nombril?
19. Tout autre commentaire sur vos peluches de nombril:

Pendant plusieurs mois, l'équipe de Kruszelnicki a collecté des témoignages de milliers de personnes (4799 au total) et après analyse de ces données,elle a pu arriver à ces conclusions:

L'accumulation de peluches augmente avec l'âge
Les hommes sont plus sujets aux peluches du nombril
Les peluches reflètent la couleur de la peau: la peluche sera plus claire pour une peau claire
Le type de peau n'a pas d'incidence sur les peluches
Les peluches semblent être liées à la pilosité
Trop de pilosité ventrale ou trop peu de pilosité ventrale inhibe quelque peu la collecte de peluche dans le nombril
Il n'y a pas de relation entre la corpulence d'une personne et l'accumulation de peluches
Quelques exemples montrent que les piercings peuvent avoir un effet radical pour réduire l'accumulation de peluches voir les faire totalement disparaitre
La pilosité en forme de trace d'escargot semble jouer un rôle dans l'accumulation de peluches

En plus de ces données, Kruszelnicki a demandé à tous les participants d'envoyer des échantillons de leurs peluches pour les analyser au microscope électronique, et voici quelques images:

Selon lui, il s'agit essentiellement de fibres textiles mélangées à des petites pellicules de peaux mortes. Par contre, un mystère reste encore à éclaircir, celui de la couleur des peluches. Plus de la moitié des personnes interrogées possèdent des peluches bleues mais de nombreuses variations chromatiques ont été observées, et souvent en parfaite contradiction avec les vêtements portés par les sujets. Une étude sur le long terme à ce sujet a été réalisée par un collectionneur assidu, Graham Barker (2), (qui a d'ailleurs gagné une place dans le Guiness Book of World Records. Voici un échantillon de sa collection qu'il a commencé en 1984:

Collection de Peluca umbilicus réalisée par Graham Barker

Le changement de couleur que l'on peut observer dans sa collection est à corréler, selon Graham Barker, avec l'achat et l'utilisation d'une nouvelles serviette de bain dont la couleur est donc passée du vert au rouge. C'est une piste à creuser donc mais peu d'équipes sont encore sur les starting blocks pour mener ce type de recherches (allez savoir pourquoi...). Heureusement, un article récemment publié dans Medical hypotheses montre un certain regain d'intérêt pour le sujet. En effet, le Dr. Steinhauser a présenté un travail préparatoire (de trois ans) pendant lequel il a pesé méthodiquement ses propres peluches de nombril (l'ensemble de ces résultats pesait près d'un gramme (503 échantillons), avec un poids moyen d'1,8 mg par peluche et un maximum enregistré de 9 mg). L'un des aspects intéressants du nouveau travail du Dr. Steinhauser, c'est qu'il essaie réellement de rentrer dans le fond du problème et de caractériser tous les facteurs pouvant influencer la quantité, la couleur et la composition des peluches. Une image tirée de son article et où figurent deux sujets d'étude, montre à quel point il est impliqué dans ces recherches:

Deux individus pouvant accumuler des peluches de nombril. Le patient à gauche dont le nombril est plus profond et plus poilu à une susceptibilité accrue.
Enfin, le Dr. Steinhauser pense que l'accumulation de ces peluches pourraient être un mécanisme de défense de l'organisme (celles-ci sont également observées chez d'autres mammifères) qui viserait à accumuler des détritus qui, à partir d'une certaine taille, se détacheraient du nombril. Alors Peluca umbilicus, parasite ou symbiote?

La dernière hypothèse scientifique que je vous présente aujourd'hui a été formulée et illustrée par Bill Plympton dont j'ai déjà montré quelques travaux.


Une dernière anecdote pour finir, mais à prendre avec moults pincettes, est celle d'un aventurier appelé Stephan M. et qui lors d'un treking d'une semaine sans avoir l'occasion de se changer ni de se laver, aurait ramené un second parasite sur sa peluche de nombril...(je suis quand même très sceptique...)

Plante dans le nombril
Plante dans le nombril

Liens:
Article de Neurotopia sur les derniers travaux du Dr. Steinhauser. (1)
Le questionnaire de Karl Kruszelnicki sur les peluches de nombril.(2)
Un collectionneur de peluches du nombril professionnel
Un collectionneur de peluches du nombril amateur
L'histoire incroyable (donc n'y croyez pas trop) de la symbiose entre Peluca umbilicus et une plante.

Références:
Steinhauser, G. (2009). The nature of navel fluff. Medical Hypotheses DOI: 10.1016/j.mehy.2009.01.015
Karl Kruszelnicki (2001). The Great Bellybutton Lint Survey. Q & A with Dr K.

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