Art

L'art de Giuseppe Penone

 

 

Dans le domaine du strange et funky, se glissent délicatement les œuvres de Giuseppe Penone. C’est à Beaubourg (il y quelques années maintenant) que nous (mon mari Taupo et moi, puisque c’est la femme de Taupo qui a pris le clavier pour écrire cet article) avons d’abord découvert une œuvre emblématique de son travail : un gigantesque et magistral tronc (provenant d’un superbe cèdre déraciné pendant la tempête de 1999), évidé à la manière d’une fenêtre donnant à voir le cœur originel de l’arbre. En image c’est mieux, même si l’œuvre présentée ici n’a pas les dimensions de celle qui avait été exposée dans le hall de Beaubourg.

 

Giuseppe Penone, tronc taillé

On peut voir ici les véritables dimensions du cèdre exposé alors qu’il était encore en train d’être façonné par l’artiste:

 

Giuseppe Penone, cèdre de Versailles, 2003

 

La démarche du sculpteur est un travail lent et délicat au cours duquel l’artiste se laisse guider par son matériau lui-même : dans une partie du tronc, Penone ôte cerne après cerne une partie du bois. Ce processus lui permet de mettre à jour la forme première de l’arbre, rendue invisible par le temps et le développement du végétal. Résultat surprenant par son aspect à la fois brut et élaboré, démarche intriguant par son caractère en même temps effacé et déterminé, on s’est rué dans l’expo oubliant ce pourquoi on était venu à Beaubourg. On y a découvert une série de variations autour de ce travail lié à l’arbre ainsi que d’autres œuvres, belles, intelligentes et originales, en bref un artiste merveilleux (et beau… dans sa forme originelle du moins… vers 1970).

 

Mini visite (pour le plaisir):

 

Giuseppe Penone, poutre-arbre

 

 

Ici on retrouve plus ou moins le même procédé mais à partir d’une poutre en bois et non d’un arbre brut. Une nouvelle fois, Penone sculpte en retirant le bois cerne après cerne jusqu’à retrouver la forme originelle du tronc utilisé pour fabriquer la poutre. Penone inverse en quelque sorte le geste de création industrielle, qui va de l’élément naturel à l’objet manufacturé, et confère à cette poutre un aspect mystérieux, comme s’il révélait un secret. Lors de l’expo, une salle intitulée « Répéter la forêt » présentait plusieurs de ces poutres et transformait ainsi la visite en promenade dans un étrange bois géométrique. Envoutant !

 

 

 

 

 

 

Il poursuivra sa croissance sauf en ce point, 1968

 

Pour cette œuvre, Il poursuivra sa croissance sauf en ce point, Penone a effectué un moulage de sa main agrippant l’arbre, qu’il a ensuite placé sur l’arbre lui-même. Au fil du temps, l’arbre a poursuivi son développement mais contraint par cette main de fer ! Hum… rapport de force entre l’homme et la nature. Mouais. Il ne faut surtout pas oublier que l’œuvre continuera de se transformer sans que l’on sache tout à fait comment. Penone s’immisce dans le cours des choses, joue au créateur mais sait bien que le temps et le hasard règnent.

 

 

 

Renverser ses yeux, 1970 Renverser ses yeux, 1970

 

Voilà une œuvre un peu différente bien qu’il s’agisse toujours de procéder à une expérience et non de représenter quoi que ce soit. Penone porte des lentilles-miroir qui le rendent aveugle et permettent au spectateur de percevoir exactement ce que l’artiste devrait voir. Ce simple petit artifice transforme le corps photographié de l’artiste en étrange statue, forme humaine coupée du monde et qui nous livre pourtant son regard.

 

Ces œuvres inhabituelles méritent que l’on se penche (pas trop longuement promis) sur la carrière de l’artiste.

 

Mini blaba (pour le plaisir toujours, si si) :

 

Giuseppe Penone est un artiste italien venant d’un village de province et d’une famille de paysans et de marchands, liée au travail de la terre. Un grand-père sculpteur a peut-être ouvert la voie à son petit-fils qui s’est mis à sculpter, sans rébellion, parallèlement à ses études de comptabilité. En fait, Penone ne s’oppose pas à cette origine modeste : il ne rejette rien, ne revendique rien non plus mais s’inspire simplement de ce qu’il connait le mieux pour créer. Et sa culture personnelle étant celle du paysage, des éléments naturels de sa région, on retrouve dans ses œuvres (dans ses premières œuvres surtout) les arbres, les cailloux, les cours d’eau…

 

Le choix de cet univers simple et la démarche adoptée (tentative d’apprivoisement d’un univers et refus de la représentation figurative ou abstraite) ont immanquablement introduit Giuseppe Penone dans le cercle de l’Arte Povera sans pour autant qu’il se sente jamais attaché à une école particulière. (pour vous faire une petite idée sur ce courant artistique italien assez radical, apparu dans les années 60, faites un tour ici… ou ). Si Penone fréquente volontiers ces artistes (et bien d’autres), il ne partage pas tout à fait leur identité contestataire, de rejet des matériaux artistiques nobles et de provocation des lois du marché de l’art. Comme eux cependant, il s’éloigne d’un art de représentation et organise son travail autour de l’intervention.

 

Il se livre à des expériences fondées sur des thèmes récurrents comme la nature (les végétaux, le corps, les sensations…) et le temps (transformation des éléments, relativité de la temporalité…). Au cours de ces expérience, Penone bouleverse la réalité et lui imposent des transformations dont les limites lui échappent parfois. Des compositions inédites découlent des ses interventions et chacune semble conserver un témoignage des interrogations de l’artiste. « Quelles relations entretiennent réciproquement l’homme et son milieu ? » est certainement une question centrale dans l’œuvre de Penone. Mais on trouve également de nombreuses œuvres qui contiennent, de manière ludique ou merveilleuse, des interrogations sur l’art lui-même.

 

Giuseppe Penone, Branche parallélépipédique. Hommage à Malévitch ?

Ici, un arbre devient imperceptiblement un objet grâce à une branche taillée en carré. Comment faire de cette légère ambigüité entre naturel et artificel une œuvre si ce n’est en lui donnant un titre : Branche parallélépipédique. Hommage à Malévitch ? Titre d’autant plus important qu’il donne automatiquement à l’arbre (objet ? œuvre ?) une place dans l’histoire des arts, en le liant à un artiste reconnu (artiste russe cette fois, du début du XXème siècle, mais tout aussi radical que nos jeunes italiens de l’Arte povera)

 

 

 

Giuseppe Penone, Courge

 

Voici un exemple de variation ironique autour du thème du portrait et du besoin qu’ont les artistes (ou d’autres…) de laisser une trace ! L’artiste : une courge, éphémère…

 

 

Giuseppe Penone, Peau de feuilles, 2000

 

 

 

 

Ici, avec Peau de Feuilles, Penone témoigne à nouveau de ce thème de la trace mais s’interroge également sur le rôle du spectateur qu’il invite à une contemplation lente et surtout active… Il faut en effet tourner à plusieurs reprises autour de cette belle sculpture dorée pour découvrir l’empreinte de la silhouette de l’artiste qui s’y loge.

 

 

 

 

 

 

J’avais dit mini bla-bla ? ah ? bon. J’arrête alors.

 

On me dit qu’il faut quand même ajouter une œuvre (chère à Taupo), donc je m’exécute…

 

Giuseppe Penone, Ombre de terre

Ombre de Terre, 2000-2003

 

Dans le même esprit que l’œuvre précédente, cette sculpture se découvre progressivement jusqu’à dévoiler au regard attentif, à travers l’assemblage inhabituel des tuiles, une empreinte digitale.

 

Liens:

Le site de l'artiste.

Sa page Facebook.

 

Référence:

Giuseppe Penone, catalogue de l’exposition, Editions du Centre Pompidou, 2004.

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