Science

Un TP, un article: Rentabilisation du Strange and Funky

TP relations


Et oui, j’ai honteusement abandonné ce blog depuis près de deux semaines. La raison derrière ce méfait, c’est qu’il faut maintenant que je m’habitue à mon nouveau rythme de travail où il m’est parfois nécessaire de travailler en rush pour préparer des cours et TP de dernière minute. Comme en plus, je me facilite la tâche en jonglant avec 300000 autres projets (dont la mise en place de Strip Science), ça va parfois ne me laisser d’autre choix que de suspendre mes activités de blogueur pour de (je l’espère) très courtes périodes.

Mais il y a de bons côtés derrière tout ça tout de même: je vais par exemple essayer de reconvertir certains de mes cours en article Funky!

Ici, je vous donne presque tel quel, la partie explicative du TP qui m’a tant pris la tête ces deux dernières semaines. En fait, on m’a demandé de préparer un TP sur la métamorphose des amphibiens et les adaptations caractéristiques à leur milieu à chaque étape de leur développement… Comme ça, ça a pas l’air simple déjà, mais quand on sait que je n'y connaissais absolument rien, vous pouvez concevoir le vent de panique qui m’a conquis il y a deux semaines. L’image qui m’a hanté pendant un bon moment, c’est celle des visages stupéfaits de mes étudiants si je commençais mon TP par un long silence entremêlé de bafouillements gênés… Bref, j’ai eu le trac…
Mais au final, j’ai conçu ma présentation introductive presque comme un article de SSAFT… et je crois que ça a plu! Je teste avec vous maintenant.

Sur ce, diapositive numéro 2!

Lissamphibiens


Alors dans ce TP long de 4 heures, je parlais uniquement d’amphibiens (ou plutôt Lissamphibiens – les amphibiens vivants actuellement sur notre planète) pour détailler les adaptations que possèdent ces animaux à leur milieu. Or les fourbes d’amphibiens sont amphibies (first joke), c’est à dire qu’ils peuvent vivre dans 2 éléments aquatique et terrestre. On retrouve cette observation dans l’étymologie grecque du mot “amphibios”. D’ailleurs, l’étymologie nous permet de trouver les caractéristiques principales des 3 grands groupes qui composent la lignée des Lissamphibiens.

Gymnophione
Les Gymnophiones, du grec gymnos, nu et ophio, serpent, ressemblent en effet à des serpents sans écaille… ou des lombrics. Ce sont pourtant bel et bien des vertébrés apodes (sans pattes) que j’avais évoqués il y a longtemps sur ce blog. S’ils sont sans écailles, c’est que tous les amphibiens ont la peau nue.

Urodèle


L’étymologie du mot Urodèle permet de décomposer le préfixe Ur- (ou Our-) qui signifie la queue et –dèle qui signifie visible. Cela signifie que les urodèles sont caractérisés par une queue visible à l’âge adulte.

Anoure


On retrouve –our dans le mot Anoure. Comme pour apode (a= sans –pode = patte), ici on décompose le mot Anoure pour découvrir qu’il désigne des amphibiens qui ne possèdent pas de queue chez l’adulte.


C’est sympa cette petite photo de famille mais il serait aussi sympa de détailler un peu chaque groupe. En cours, j’avais des animaux préservés en bocaux que je montrais aux étudiants, mais j’ai aussi privilégié les vidéos:

Gymnophione
On commence donc par les gymnophiones (super mot à prononcer devant des élèves…):

Caecilia orientalis
Les gymnophiones sont de véritables vertébrés tétrapodes! Et pourtant ils n’ont pas 4 pattes (un comble pour un tétrapode) ni même de ceintures pelviennes et scapulaires. Ils ont pour la plupart des anneaux qui les font vraiment ressembler à de gros lombrics. Certains spécimens peuvent mesurer jusqu’à 1,40 m mais en moyenne ils mesurent entre 20 et 50 cm. Voyez un peu comme ils se meuvent (première vidéo avec un certain succès chez les étudiants):
 

 

UrodèlePour les urodèles (regroupant entre autres salamandres et tritons), je n’ai pas pu résister à la tentation de recycler un vieil article de SSAFT sur les salamandres géantes. Du coup je leur ai fait le coup classique: je leur ai fait rapidement une présentation de ce groupe, caractérisé donc par la présence de queue chez l’adulte et de 4 membres égaux et courts déjà présents chez la larve, puis je leur ai demandé quelle était la taille de ce spécimen:

Andrias davidianus


Et bien il s’agit d’Andrias davidianus, la salamandre géante de chine qui mesure 1,8 m de long! Voyez donc comme elle patauge:


ARKive video - Chinese giant salamander moving along stream


Anoure

Et puis vient le tour des Anoures, le véritable succès évolutif chez les amphibiens avec plus de 5000 espèces représentant 80% des espèces vivantes actuelles. Ceux-ci sont donc caractérisés par leur absence de queue mais aussi leurs longs membres postérieurs et des tympans. Mais à quoi servent leur tympans, leur demandé-je tout soudain pour limiter leur torpeur… Et bien à écouter leur environnement, et surtout leurs congénères! Ecoutez-donc comme ils coassent!
 


Le coassement de la grenouille-taureau ci-dessus est l’un des plus puissant parmi les amphibiens, le record étant détenu par la grenouille coqui qui chante à près de 100 dB!

Développpement embryonnaire


Sur ces présentations, je leur fait un petit rappel d’embryologie. Pour vous, il s’agira peut-être d’une découverte. L’embryologie des amphibiens est très souvent détaillée dans les cours de biologie car les œufs sont très nombreux, accessibles et carrément balaises: on les voit facilement à l’œil nu ce qui permet de suivre le développement sans matériel compliqué d’observation. Cours de Biologie oblige, je leur passe un film des années 70 avec musique qui va bien:
 


Transcription:
L’œuf fécondé passe par des divisions rapides et forme une blastula. Chaque division dure environ 30 minutes.
La blastula donne ensuite une gastrula.
Les plis neuraux se forment et fusionnent pour donner le tube neural qui finira par donner la moelle épinière et le cerveau.

Enfin, l’embryon éclos pour libérer un têtard nageur, appelé aussi larve. Le têtard subit ensuite une métamorphose pour donner d’abord de petites grenouilles qui finiront par se transformer en adultes.

Ca, c’est le développement d’un grenouille (en accéléré, dois-je le préciser?) lorsque l’on enlève la gangue protectrice autour de l’œuf. Pour voir à quoi ça ressemble dans une véritable ponte, j’ai dégainé ce film (toujours en musique, ça adoucit les mœurs, même ceux des étudiants):
 


On en arrive au vif du sujet: la métamorphose. Mais avant de lui rentrer dans le lard, il faut qu’on observe les différences qui existent entre les larves d’amphibiens (ou têtards donc…dont l’étymologie signifie grosse tête… et ouais!). J’ai limité la comparaison entre les larves d’anoures et urodèles, parce qu’on en sait plus, tout simplement:

LarvesLes différences majeures sont donc au niveau des membres (les membres des larves d’anoures sont sous forme de bourgeons alors que ceux des urodèles sont apparents) et des branchies (pareil, l’anoure cache son jeu avec des branchies d’apparence interne alors que les urodèles s’exhibent, toutes branchies dehors!). Sur ces clarifications, on peut passer à la métamorphose:

imageLa métamorphose, c’est l’ensemble des étapes de remaniement morphologique et physiologique qui permettent à larve de devenir un adulte capable de se reproduire. Les fans de SSAFT se rappelleront cependant que certaines espèces d’amphibiens, comme l’axolotl, peuvent se passer de métamorphose et garder leur côté kawaï tout en étant capable de se reproduire. C’est la néoténie de l’axolotl.
Là encore, les anoures et les urodèles se distinguent, les anoures ayant une métamorphose beaucoup plus spectaculaire que celle des urodèles. On peut même lui distinguer 3 étapes (pré-, pro-métamorphose suivi de son climax). Et là bing, je sens qu’ils sont tout penauds de ne pas avoir écrit des tartines pendant mes premières diapos riches en vidéos, alors je leur fournis de quoi muscler leurs poignets:

Métamorphose
Et ouais! Ils s’en passent des trucs durant la métamorphose! Surtout chez les anoures avec la disparition de la queue et le développement des membres postérieurs et antérieurs. Chez les anoures et les urodèles, on observe quand même pas mal de similitudes à savoir l’élargissement de la bouche, l’apparition d’une langue, la disparition des branchies, la maturation des poumons (et oui, le têtard en possède déjà) et la protrusion des yeux qui se couvrent de belles paupières et d’une membrane nictitante (dont je parlais ici).
Maintenant qu’ils ont appris par cœur toutes ces étapes, il est temps pour les étudiants de se demander comment le têtard et l’adulte sont adaptés à leur environnement. Pour mieux appréhender cette question, demandons-nous quelles sont les contraintes du milieu dans lequel ils vont être amenés à vivre:

Contraintes du Milieu
Pour faire simple, j’ai posé 4 questions: comment qu’ils respirent, comment qu’ils bougent leur popotin, comment qu’ils communiquent et comment qu’ils picorent?

Comment ils respirent? Et bien à l’aide de 3 organes différents: des échangeurs respiratoires!

3 Echangeurs respiratoires
Les amphibiens peuvent respirer par leurs branchies, leur peau et leurs poumons. Le jeu va être maintenant de savoir exactement quel organe est adapté à un milieu plutôt qu’un autre.

Branchies
Les branchies sont l’exemple type d’un organe exclusivement restreint à une phase de vie: la vie larvaire. En effet, qu’on soit gymnophione, anoure ou urodèle: à l’âge adulte, c’est circoncision des branchies!
On remarque aussi que les différence entre les branchies externes et internes des anoures et des urodèles n’est qu’une apparence. Déjà, je leur pose le dilemme logique suivant: à quoi servirait les branchies de l’anoure si elles étaient parfaitement internes? Elles pomperaient l’oxygène du milieu intérieur de l’organisme? Ce qui se passe chez l’anoure, c’est qu’à une première génération de branchies externes succède une seconde génération qui va être recouverte incomplètement par des replis cutanés: un orifice subsistera à gauche de l’animal, le spiracle.
Les branchies servent à respirer dans l’eau, mais est-ce là le seul organe qui permet à la larve de respirer? Et bien non, il y a aussi la peau!

Tégument
Et sachez-le, la peau est un échangeur respiratoire universel! Même nous, Homo sapiens, sommes capables de capter le dioxygène et excréter du dioxyde de carbone par notre peau! On le fait de manière quasi totalement inefficace, mais on le fait quand même. Les amphibiens eux, sont experts! Certains, comme la salamandre sans poumon, utilisent leur peau comme principale modalité de respiration. L’avantage, c’est qu’on peut utiliser notre peau pour faire diffuser le dioxygène dans ou hors de l’eau…
Reste les poumons qui, je le rappelle, existent déjà chez la larve:
PoumonsLes poumons offrent une adaptation à capter le dioxygène libre de l’air. Les larves peuvent éventuellement utiliser leurs poumons rudimentaires pour prendre une goulée d’air à la surface, mais à l’issue de la métamorphose, ce sont surtout les adultes qui vont employer ces organes pour rester longtemps hors de l’eau.
Je vous passe quelques détails sur les adaptations en terme de circulation sanguine et changement d’hémoglobines et passe tout de suite à la locomotion:

Gravité
La locomotion, c’est une lutte contre la force de gravité, et celle-ci est différemment perçue dans un milieu terrestre ou dans un milieu aquatique. Chez les anoures notamment, la métamorphose spectaculaire dote les grenouilles de puissantes pattes arrières adaptées au saut. Pour piéger un peu les élèves, je leur demande à quoi servent les palmures des pattes des grenouilles. Le fait est que ces palmures peuvent, selon l’espèce, servir à différentes fonctions. La plus simple semble être la nage, mais il y a aussi celle de… parachutes:

 

 

 

 


Une des particularités du milieu terrestre, est que la densité de l’air est bien moindre que la densité de l’eau: le gaz a une bien plus faible concentration de molécules par unité de volume. Du coup, quand on veut pousser une gueulante, mieux vaut être doté d’organes customisés version double stéréo THX à caisson de graves et subwoofer!

Densité
Chez les anoures, on appelle ça des sacs vocaux et chez Trachycephalus venulosus, ça dépote:
 


Mais au final, on connait la même stratégie chez Homo sapiens aussi:
Dizzy Gillespie

Qui dit coassement, dit oreilles adaptées à écouter les sérénades. Or, dans le milieu terrestre, mieux vaut être équipé vu la faible densité de l’air. C’est là que des gros tympans sont utiles:

Audition aérienne

Bon, on respire, on gigote, on papote… Quand est-ce qu’on graille? Mais surtout, qu’est-ce qu’on graille?

Alimentation

Et bien lorsqu’on est un têtard, on est essentiellement herbivore. Et pour un herbivore, on peut dire que les têtards sont plutôt bien équipés pour brouter: bec corné (oui oui, les têtards d’anoures ont des becs!), dents cornées (des dents… en peau), pièges liées aux branchies pour filtrer les particules organiques, intestin plus long stocké sous forme d’une spirale dans le bidon:

intestin spiralé d'un têtard
Mais quand on est un anoure adulte, on a plus l’appétit pour de juteuses mouches ou autres délicieux insectes!

Prédation


Et ce régime alimentaire s’accompagne de profonds remaniements morphologiques (grande bouche, langue préhensile, intestins plus courts, etc…) mais aussi comportementaux: l’amphibien adulte est un prédateur! Preuves en images:
 

 

 

Ici, la salamandre, Hydromantes platycephalus réussit un magnifique attrapé d’insecte!

Ensuite, ce n’est pas le cas de tous les amphibiens qui s’essaient à la technique de la chasse:
 


Et sur ce moment de franche rigolade (ou de consternation) parmi les étudiants, je leur annonce qu’ils ont 4 ateliers des 45 minutes avec une synthèse ou un dessin à rédiger et rendre à la fin de la séance.

 

Bon, vous, vous en êtes dispensés, mais c’est parce que vous êtes sages!

Pour les plus curieux d’entre vous, voici ma présentation powerpoint complète. Bon visionnage et surtout, n’hésitez pas à me faire part de vos suggestions, critiques et commentaires!

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