Science

Bière et Pet

Podcast Science 313 – Emission radio-dessinée : la bière !
Hey, salut! Ça va? Ouais, 5 mois sans donner de nouvelles, c'est long! Figurez-vous que le samedi 14 octobre, j'ai participé à une émission radio-dessinée avec les potos de Podcast Science dont le thème était la bière! (Certes, c'est pas une excuse ni une explication, mais comme c'est le sujet du billet... bon ça fait longtemps qu'on s'est pas causé, on va pas commencer par se prendre le chou hein!).
Or donc disais-je, une émission radio-dessinée merveilleusement orchestrée par Claire et qui s'est déroulée à Bruxelles! S'y sont succédés les incroyables Tupe, Robin, Alan de Podcast Science, Eléa et Elodie de Pint of Science, Vincent et Manu du Palais de la découverte, et le tout fantastiquement illustrés par de prodigieux dessinateurs : Eléa, Elodie, Tupe, Inti, Mel et Phiip !  Nous avons grâce à eux pu en savoir plus sur la fabrication de la bière, sur les plantes utilisées dans les bières, la Géométrie des bulles, des statistiques sur les bières, la physique des bulles dans les bières, l'histoire de la bière, les mathématiques cachées sous la décroissance de la mousse, les neurosciences des effets de la bière, et enfin la question de la vitesse de consommation de la bière en fonction du forme du verre, le tout ponctué par les quizz d'Alan. Voici l'émission au complet au format audio pour les curieux:

Quant à moi, j'ai voulu faire mon malin et ainsi essayé de faire ma présentation autour d'une idée de titre: Bière et Pet (cliquez sur ce lien pour passer directement à mon passage). Vous pouvez ainsi choisir d'écouter mon passage tout en passant les diapositives ci-dessous...

... ou bien vous pouvez poursuivre votre lecture qui reprend mot pour mot (sans les bafouilles) ce que j'ai expliqué devant notre public belge (pour vous remettre dans les bonnes conditions, je vous conseille une lecture après deux pintes de Chouffe):

Hold my beer, I got this

Quand je prépare mes interventions pour Podcast Science, j’ai généralement une vague idée de ce que je vais raconter: un propos, une trame, quelques exemples frappants… et souvent un titre qui émerge après quelques heures passées à la rédaction du dossier. Le titre de mon intervention actuelle par exemple, est “Bière et Pet”. Le seul “hic”, si je puis dire, c’est que j’ai commencé la rédaction de cette chronique par le titre… Et si je vais bien vous parler de bière, je ne comptais pas particulièrement vous parler de flatulences. Ah je sens que certains sont déçus, mais qui sait: bientôt une émission Podcast Prout?
Du coup, si je ne parle pas de pet, de quelles étranges et ragoutantes anecdotes vais-je donc agrémenter ma chronique? C’est exactement la question qui m’a hanté pendant plusieurs semaines jusqu’à ce je me dise: “Enfin Pierre, ressaisis toi! Écris, et vois où le Strange et le Funky te mèneront plutôt que de rester figé tel une motte de terre. Victor Hugo n’écrivait-il pas dans les Misérables: “Bière qui coule n'amasse point de mousse”?
Fort de cette mission, je tapais “Strange Beers” dans mon moteur de recherche et vous livre ainsi l’incroyable ingéniosité dont ont pu faire preuve, à travers les âges, les brasseurs du monde entier. Citons tout d’abord les bières au goût ou à la confection Strange et Funky: qui ne serait pas ravi d’apprendre, après avoir apprécié une lampée de la bière Bottled Instinct, brassée par l’ordre de Yoni, que celle-ci est enrichie en ferments vaginaux et plus particulièrement en acide lactique extrait des bactéries vaginales de la top-model tchèque Alexandra Brendlov.

First Vaginal Beer: Bottled Instinct


Rassurez-vous, cette bière n’est pas encore commercialisée, mais si d’aventure les bières enrichies en ferments humains à la provenance douteuse vous intéresse, offrez-vous une Beard Beer qui est confectionnée en employant une levure collectée dans la barbe de son maître brasseur: John Maier.

John Maier et sa Rogue Beard BeerJohn Maier et sa Rogue Beard Beer
Si vous avez une conscience écolo, vous pourriez être tentés par une Pisner, une bière dont le malt a poussé grâce à un arrosage régulier des 189000 litres d’urines récoltés lors du festival de musique danois Roskilde: du pur recyclage en somme!

PisnerDessin d'EléaDessin de Phiip
A moins que vous ne soyez de ceux qui affectionnent les bières arrangées, comme une kriek à la framboise ou la bière “Un, Kono Kuro”, une bière au café...

Un Kono KuroUn Kono Kuro
... dont les grains ont voyagé dans le système digestif d’éléphants ce qui, selon les dégustateurs de cette bière originale, a pour effet de contrebalancer l’amertume de la bière. Il faut dire qu’il existe un nombre ahurissant de maîtres brasseurs qui se prennent pour de véritables sorcières et qui glissent dans leurs cuves tout un tas d’ingrédients d’origine animale, plus curieux les uns que les autres. Il existe ainsi des bières au bacon, d’autres brassées avec un poulet entier, ou bien des huîtres, des cœurs de bœufs, des têtes de cochon, des cervelles de chèvres, des couilles de taureaux, des vessies natatoire d’esturgeon et, ma recette préférée, la bière islandaise Hvalur, enrichie en testicules de baleines fumées avec du purin de mouton.

HvalurHvalur
Si vous êtes choqués par ces pratiques complètement pas vegan, ne commandez jamais de bière auprès de la brasserie Brewdog, dont le produit phare “The End of History”, est une bière dont chaque bouteille fourre artistiquement un écureuil empaillé.

The End of History, BrewdogDessin de Mel

Toutes ces bières “animales” m’ont amené à me poser la question suivante: les animaux boivent-ils de la bière? Alors les fidèles de Podcast Science savent que j’avais déjà taquiné le sujet en me demandant si les animaux tenaient l’alcool, lors d’une précédente émission radio dessinée “Tu t’es vu quand tu fais de la science” (Episode 106). Aujourd’hui je dois donc être plus précis et ne m’intéresser qu’aux animaux qui consomment de la bière et non n’importe quel alcool. Tout d’abord mes recherches m’ont fait découvrir Snuffle, une prétendue bière pour chien...

SnuffleSnuffle
...qui ne partage en réalité que le packaging d’une bière puisque les bouteilles encapsulées ne contiennent pas d’alcool, ni même de boisson pétillante. S’il semble déconseillé de servir des bières à nos amis les canidés (et du chocolat telle que la réponse au quizz d’Alan nous le révèlera dans l'épisode 316), les suidés n’ont pas tant d’égard sur les possibles impacts de cette consommation sur leur santé. Ainsi, le Montpellier Domino Club, situé dans les îles vierges des Etats-Unis, héberge des cochons élevés à la bière qui sont devenus les mascottes des poivrots locaux.

Montpellier Domino ClubBeer Drinking PigBeer Drinking Pig
L’exemple est tout de même capillotracté car la consommation de bière est ici imposée par les tenanciers de ce bar éclectique. Peut-être vous demandez-vous comme moi s’il existe des animaux sauvages qui consomment de la bière. Le souci, c’est qu’il faudrait qu’il existe de la bière sauvage pour éviter que l’intervention humaine ne biaise les observations. Et bien figurez-vous qu’il existe quelque chose de parfaitement naturel et qui s’approche à s’y méprendre à de la bière brassée par dame nature: le nectar du palmier de Bertam Eugeissona tristis. Ces palmiers malaisiens possèdent des fleurs très particulières, disposées sur des inflorescences groupées avec en moyenne 1000 fleurs par inflorescence.

palmier de Bertam
Mais ce n’est pas leur nombre qui surprend quand on s’approche de ces fleurs de palmier de Bertam, mais leur odeur prononcée de brasserie. Les fleurs, rigides et à l’écorce ligneuse, ressemblent à des petits tonneaux de bière d’où s’épanche fréquemment une mousse alléchante. Qui plus est, leur structure semble optimisée non pas pour attirer des insectes par leurs chatoyantes couleurs ou leur entêtant parfum, mais bel et bien pour une fermentation en vase clos. En effet, chaque fleur accumule du nectar pendant des semaines et abritent des levures très rares qui vont fermenter le breuvage, fermentation qui est facilitée par leur isolation du monde extérieur. Le processus est si efficace que certaines fleurs abritent un nectar dont le taux d’alcool peut atteindre une valeur record de 3,8%, l’équivalent du degré d’alcool d’une bonne bière ! Une véritable brasserie naturelle, qui a le mérite de produire de la bière 7j/7 et durant toute l’année ! Mais à quoi bon avoir des fleurs fermées sur elles-mêmes si aucun insecte ne peut venir les polliniser ? C’est que le palmier de Bertam est pollinisé par des bestiaux autrement plus costauds que des abeilles ! Les effluves d’alcools attirent divers mammifères qui ouvrent facilement les fleurs et, en s’abreuvant à tous les rateliers, participent à la pollinisation du palmier: Ainsi Toupaye et Ecureuil plantain sont des piliers de bar le jour et sont rejoints la nuit par des rats arboricoles, des Loris paresseux et surtout un rongeur à la queue plumeuse: le ptilocerque.

Loris paresseuxPtilocerque

Ce qui a particulièrement frappé les naturalistes qui ont réalisé ces observations, c’est l’absence d’effet néfaste de la consommation d’alcool sur ces pochtrons, le ptilocerque en particulier: le régime alimentaire de celui-ci est quasi exclusivement composé de nectar alcoolisé et le ptilocerque peut consommer l’équivalent de 10 à 12 demis de bière par jour (bien entendu, en extrapolant les quantités en fonction du poids).

Ptilocerque consommant le nectar du palmier de BertamLoris Paresseux consommant le nectar du palmier de Bertam
Les ptilocerques ingèrent tellement d’alcool que des chercheurs sont en mesure d’estimer leur alcoolémie en analysant les composés résiduels dans leurs poils, notamment l’ethyle-Glucuronide.

Capture de ptilocerque pour mesure d'alcoolémie
Et bien malgré ce régime éthylique à faire pâlir un soldat de l’armée rouge, les ptilocerques ne montrent aucun signe d’ivresse. Il semblerait que pour survivre à ce régime d’ivrogne, leur métabolisme soit en mesure de diminuer rapidement la quantité d’alcool de leur corps sans que celui-ci puisse altérer leur comportement: le rare cas d’un animal qui peut se biturer et rester sobre, mais surtout un exemple rare d’une plante qui attirent ses pollinisateurs à l’aide d’alcool.

Dessin de Phiip

N’allez pas croire que les scientifiques ne se soient intéressés qu’à la consommation alcoolique d’animaux sauvages car il s’avère que nombreux d’entre eux s’amusent à tester les effets de la bière sur leurs animaux de laboratoire favoris. Ainsi, une étude parue en 1987 dans Alcohol & Drug Research relate les tests de la consommation volontaire de bière chez des rats pour lesquels on a enregistré des signes de dépendance chez les individus qui avaient un penchant pour le malt.

bière et ratDessin d'Elodie
Une étude en 2003 a confirmé ces résultats et montré que ces rats étaient moins anxieux lors de la réalisation de certaines tâches qui leur était pourtant plus ardues car leur coordination motrice était largement affectée. Cette étude princeps a lancé tout un champ de recherche, notamment porté sur la comparaison entre le comportement des rats et celui… d’adolescents humains.

D’autres animaux ont une réaction disproportionnée par rapport à la bière. En effet, des chercheurs ont découvert qu’une immersion dans un bain de bière suffit à euthanasier des escargots, sans que ceux-ci montrent le moindre signe d’inconfort (sécrétion excessive de mucus, défécation, etc.).

Euthanasie d'escargot à la bière
Mourir euthanasié dans un bain de bière, n’est-ce pas une fin rêvée… En tout cas, c’est celle que je souhaite à vos neurones après avoir subi cette chronique bien alambiquée...

Liens:
Article Mental Floss
Article Food and Wine
Article America Fun Fact of the Day
Article Histoires de Mammifères
Article All Things Considered

Références:
Gallate, J. E., Morley, K. C., Ambermoon, P., & McGregor, I. S. (2003). The consequences of beer consumption in rats: acute anxiolytic and ataxic effects and withdrawal-induced anxiety. Psychopharmacology (Berl), 166(1), 51-60. doi: 10.1007/s00213-002-1291-z
Gilbertson, C. R., & Wyatt, J. D. (2016). Evaluation of Euthanasia Techniques for an Invertebrate Species, Land Snails (Succinea putris). J Am Assoc Lab Anim Sci, 55(5), 577-581. PMID: 27657713
Gochman, S. R., Brown, M. B., & Dominy, N. J. (2016). Alcohol discrimination and preferences in two species of nectar-feeding primate. R Soc Open Sci, 3(7), 160217. doi: 10.1098/rsos.160217
Lancaster, F., Spiegel, K., & Zaman, M. (1987). Voluntary beer drinking in rats. Alcohol Drug Res, 7(5-6), 393-403. PMID: 3620007
Wiens, F., Zitzmann, A., Lachance, M. A., Yegles, M., Pragst, F., Wurst, F. M., . . . Spanagel, R. (2008). Chronic intake of fermented floral nectar by wild treeshrews. Proc Natl Acad Sci U S A, 105(30), 10426-10431. doi: 10.1073/pnas.0801628105

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