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Régénérer ou la quête du Graal

Régénérer ou la Quête du Graal
Quel est le point commun entre le capitaine crochet, Dark Vador et Nick Fury ? Il s’agit de trois personnages de fiction, me répondront les plus malins des auditeurs, mais je suis aussi près à parier qu’ils auraient rudement apprécié posséder la capacité de régénération. Et c’est justement pour nous aider à distinguer le vrai de la fiction que j'ai l'honneur d'accueillir sur ce blog, le dossier de mes illustres collègues Christine Rampon et Véronique Borday-Birraux, qui ont récemment participé à l'émission 472 de Podcast Science pour nous expliquer la quête de ce pouvoir mythique.

Derrière la régénération se dissimule l’espoir du rajeunissement voire de l’immortalité. La régénération a toujours fasciné au point d’inspirer de nombreux mythes. D'ailleurs, connaissez-vous des mythes et légendes basés sur la régénération ?

Phénix
L’un des plus célèbres, est celui du phénix, appelé également “oiseau de feu”, qui symbolise parfaitement cette quête de l'immortalité. Quand il sentait sa fin venir, le phénix construisait un nid de branches aromatiques et d'encens, y mettait le feu et se consumait dans les flammes. Il s’embrasait et laissait place à un œuf qui devenait un poussin. L’oiseau régénéré, qui correspondait à un clone, renaissait et continuait ainsi de vivre. On retrouve cet oiseau fabuleux dans de nombreuses mythologies d’origine grecque, persane, chinoise ou encore amérindienne et récemment dans les aventures d’Harry Potter (Fumseck).

Hydre de Lerne
Un autre mythe est celui de l’hydre de Lerne. L’hydre est une créature de la mythologie grecque possédant plusieurs têtes dont l’une était immortelle et les autres se dédoublaient quand elles étaient tranchées. L’hydre vivait dans les marais de Lerne à proximité de la cité d’Argos et semait la terreur dans toute la région. Eurysthée demanda à Héraclès, que vous connaissez peut-être mieux sous le nom d’Hercule, de tuer l’hydre pour le deuxième de ses douze travaux, ce qu’Hercule entreprit. Rapidement débordé par la multiplication des têtes de l’hydre, il reçut l’aide de Iolaos qui enflamma quelques arbres et utilisa les brandons pour cautériser les moignons des cous des têtes tranchées. Hercule s’occupa, lui, de la tête immortelle, qui une fois décapitée finira enterrée encore sifflante sous un lourd rocher. Ce deuxième des douze travaux fut invalidé par Eurysthée, Hercule ayant bénéficié de l’aide de Iolaos.

Prométhée
Toujours dans la mythologie grecque, on trouve Prométhée. Prométhée fait partie des 7 Titans qui sont des divinités ayant précédé les dieux de l’Olympe. Prométhée est le créateur de la race humaine. Il fit l’affront de donner aux humains le feu sacré de l’Olympe à l’insu de Zeus. Pour le punir, Zeus fit enchaîner Prométhée sur le mont Caucase et le condamna à avoir le foie dévoré tous les jours par un aigle, le morceau manquant repoussant pendant la nuit. C’est Hercule, encore lui, qui délivra Prométhée de son calvaire.

Pour finir avec les exemples et pour faire référence au titre de cette émission, on peut citer le saint Graal, objet mythique de la légende Arthurienne qui aurait contenu le sang du christ et symbole d’immortalité pour celui qui le possède.

Ce thème a également inspiré de nombreuses légendes contemporaines. Dans la pop culture, de nombreux héros ont la capacité de régénérer leurs organes ou membres voire faire preuve d’immortalité. Parmi ceux-ci on trouve par exemple Wolverine des Xmen ou bien encore Deadpool et Captain America évoluant dans l’univers Marvel, ou même Piccolo dans Dragon ball Z.

Régénération Piccolo
Nous venons de voir un certain nombre de mythes et de légendes, nous sommes donc en droit de nous demander s'ils reflètent une réalité biologique. Pour répondre à cette question, je vais vous relater quelques exemples des premières observations de régénération animale. Comme nous allons le voir, cela date un peu !
Dès l’antiquité, Aristote indiquait, que “les queues des lézards et des serpents, si elles sont coupées, repoussent à nouveau”. Pendant des siècles, les observations s’accumulent mais sans protocoles rigoureux pour les valider, la méthode scientifique apparaissant plus tard dans l’Histoire.  Il a fallu attendre le 17ème siècle pour que 2 académiciens, Claude Perrault et Melchisédech Thevenot s’emparent du sujet et réalisent les premières observations empiriques de la régénération. Dans son recueil de plusieurs traités touchant les choses naturelles, Claude Perrault relate que “Les naturalistes racontent des choses tout à fait incroyable du lézard: quelques uns disent que la queue se rejoint après avoir été séparée du corps; d’autres que la même chose arrive au corps coupé en travers et que ces deux parties marchent l’une vers l’autre et se rejoignent.” Après avoir réalisé des amputations de la queue, ces savants observent qu’une nouvelle structure repousse en une quinzaine de jours et décrivent que la nouvelle queue est semblable à la précédente. Toutefois, le nouveau morceau n’a pas la couleur verte attendue et ne contient ni vertèbres ni muscles. Fait incroyable pour l’époque, ils permettaient aux visiteurs de l’académie des sciences de suivre au jour le jour l’expérience. En effet, les animaux étaient hébergés dans un terrarium accessible au public.  
Au 18ème siècle, Abraham Trembley s’intéresse à la faune des mares, des fossés et des canaux. Il découvre alors un polype d’eau douce qui l’intrigue car il est de couleur verte. N’arrivant pas à déterminer la nature animale ou végétale du spécimen, il entretient alors une correspondance avec René-Antoine Ferchault de Réaumur, un naturaliste reconnu de l’époque. Les découvertes de Trembley font fureur. Claude Le Cat, prononce lors d’une allocution donnée devant l’Académie royale des sciences “Deux découvertes rendront principalement notre siècle mémorable dans les siècles à venir : l’Électricité et les Polypes d’eau douce”. C’est pour vous dire ! Pourquoi un tel engouement ? Trembley observe que ce polype lorsqu’il est coupé en deux donne après quelques jours deux individus complets. De Réaumur classe cet organisme dans les animaux et le baptise alors hydre en référence à l’hydre de Lerne. Un sacré coup de communication pour ce polype ! Trembley utilise systématiquement une méthode scientifique rigoureuse pour essayer de comprendre le fonctionnement de l'hydre. Il a alors une idée stupéfiante. Il propose aux savants et aux curieux de recevoir par courrier un kit d’expérimentation comprenant des hydres et un mode d’emploi. Ils peuvent reproduire l’expérience chez eux et peuvent être témoins de la régénération. Un superbe exemple de sciences participatives avant l’heure ! De nombreux scientifiques de l’époque vont compléter ces observations en s’intéressant à d’autres groupes d’animaux. Nous pourrions citer de Réaumur pour les crustacés, Bonnet pour les annélides ou Spallanzani pour les vertébrés.

La régénération chez les animaux existe donc bel et bien. Mais nous allons tout de même vérifier si les mythes et les légendes citées précédemment sont des réalités biologiques.  Par rapport au mythe du Phénix, effectivement aucun animal ne peut redonner un individu après une combustion spontanée. En revanche, chez les végétaux certains résineux comme le pin d’Alep ou le séquoia géant ont besoin du feu pour que les cônes puissent libérer leurs graines et donc germer et donner un nouvel individu. On les appelle pyrophytes passifs. Fait encore plus étonnant, les eucalyptus produisent des vapeurs inflammables qui favorisent les départs de feu empêchant ainsi les autres espèces végétales d’envahir leur habitat puisqu’ils résistent assez bien aux incendies. On les appelle pyrophytes actifs.


Pour l’hydre de Lerne, nous avons déjà parlé de l’hydre décrite par Abraham Trembley et qui a été nommée ainsi en référence au mythe. L’hydre d’eau douce est un petit animal de 5 à 20 mm de long qui fait partie des Cnidaires comme les méduses, et qui présente une anatomie assez simple. C’est une colonne qui a la forme d’un tube fixé sur un support par un pied et dont l’autre extrémité se termine par une bouche entourée d’une couronne de tentacules urticantes.

Hydre
Cet animal est un champion de la régénération puisqu’il est possible d’obtenir 100 hydres à partir d’une seule et de reformer une hydre à partir de cellules dissociées dans un blender. Il existe cependant des limites par rapport au mythe qui sont que si on coupe un tentacule, il n’en repoussera pas deux, et qu’à partir d’un morceau de tentacule il n’est pas possible de reformer une hydre et enfin que les tentacules ne sont pas des têtes. 

Transplantation du foie
Si maintenant on revient sur le mythe de Prométhée, il est connu qu’après une ablation partielle du foie chez l’humain, comme lors d’un don de foie sur un donneur vivant, le lobe ôté ne régénère pas mais les lobes restants grossissent et compensent la partie manquante. Il faut toutefois mentionner que la vitesse de repousse indiquée dans la légende, repousse en 1 nuit, est très nettement supérieure à la réalité biologique qui est d’environ 1 mois. De plus, cette propriété n’est pas généralisable à tous les organes du corps humain loin s’en faut.  Concernant le Saint Graal, aucun objet n’est connu à ce jour comme possédant de telles vertus. 
Nous allons donc nous demander si nous pouvons parler de régénération dans ces exemples. Il nous faut donc au préalable définir ce qu’est la régénération.


D’après le Larousse, en Biologie, c’est la reconstitution, par un individu animal ou végétal amputé, de la partie du corps dont il a été privé. Pour moi, cette définition n’est pas assez précise. Il faudrait indiquer qu’il y a reconstitution de la forme et de la fonction de la partie manquante. Nous devons aussi signaler que la régénération se fait au niveau du tissu, de l’organe, du système ou de l’organisme. Nous ne prendrons pas en compte le niveau cellulaire. Pour finir, une lésion doit avoir lieu, cette lésion peut être volontaire ou involontaire, une amputation par exemple.  
On voit bien avec cette définition, que le mythe du Phénix ne correspond pas à de la régénération. Le pin d’Alep ou l’eucalyptus ne font pas de régénération biologique. Les dictionnaires proposent toutefois le terme de régénération appliquée à la sylviculture. D’après le Larousse, la sylviculture est l’ensemble des techniques permettant la création et l'exploitation rationnelle des forêts tout en assurant leur conservation et leur régénération. La régénération est alors le  “renouvellement d'un peuplement forestier par divers procédés”. Cette définition est très différente de celle que nous avons donnée pour la  Biologie.
Pour le mythe de Prométhée, c’est plus discutable. Après une ablation partielle du foie, les lobes restants grossissent et compensent la partie manquante. On restaure ainsi la fonction par prolifération du tissu existant mais pas la forme.  Vous pourrez rencontrer d’autres exemples contestables lors de vos lectures ou visionnages. Nous allons en citer quelques-uns. Vous savez qu’il n’est pas possible d’obtenir deux individus à partir d’un humain coupé en deux ou qu’un bras ne repousse malheureusement pas après amputation. Par contre, vous avez probablement déjà entendu parler du renouvellement de l’épiderme de la peau ou des cellules de la paroi intestinale. On considère que l’épiderme est renouvelé tous les 28 jours par desquamation. Vous savez, ce sont les fameuses peaux mortes que vous perdez tous les jours et dont les acariens raffolent! Les cellules de l’intestin qui tapissent votre tube digestif sont renouvelées complètement tous les 4 à 5 jours. Dans les deux cas, des cellules meurent continuellement et un renouvellement se met en place. Un bon équilibre entre mort cellulaire et multiplication cellulaire est nécessaire pour éviter la rupture des barrières entre le milieu extérieur et intérieur. Autre exemple, chez les requins comme chez l’humain, nous avons plusieurs dents au même emplacement au cours de notre vie, les dents de lait et les dents définitives chez l’humain, plusieurs milliers de dents chez les requins. Lorsqu’une dent tombe, elle est remplacée par une nouvelle dent déjà formée. Pour ces deux exemples, nous ne parlerons pas de régénération mais de renouvellement ou de remplacement.   
Chez les animaux, nous allons voir qu’il existe des champions de la régénération. Nous avons déjà expliqué que si une hydre était coupée en deux, chaque moitié était capable de régénérer la partie manquante. C’est également le cas chez de petits vers plats appelés planaires.

Planaire
Chez ces deux organismes de quelques millimètres, les chercheurs ont montré qu’ils pouvaient couper en plusieurs morceaux un individu et que chaque morceau re-donnait un individu adulte. Pour la planaire, on peut aller jusqu’à 279 morceaux, 100 pour l’hydre ! Dans la nature la planaire utilise cette capacité régénérative après s’être spontanément scindée en deux. Chaque moitié se régénère et donne 2 individus génétiquement identiques ou clones. C’est ce qu’on appelle la reproduction asexuée. Ce mode de reproduction existe également chez l’hydre mais par bourgeonnement cette fois-ci. Chez ces animaux, des petites excroissances vont apparaître sur la colonne, pousser jusqu’à avoir la forme de mini-hydre puis se détacher. Là aussi les individus sont des clones.  La capacité qu'ont certains animaux de perdre une partie de leur corps volontairement s’appelle l’autotomie, du grec ancien autos, « soi-même », et tomie, « coupure ». D’autres animaux possèdent cette capacité. Dans certains cas, elle est associée à un comportement d'échappement. Nous pourrions citer le lézard qui peut séparer sa queue de son corps. C’est également le cas de la souris épineuse, un petit rongeur originaire d’Afrique, qui au lieu d’avoir des poils soyeux a des poils rigides semblables à des épines d’où son nom.


Celle-ci peut détacher jusqu’à 60% de la peau de son dos, dans le but de se libérer de prédateurs. Ces animaux en profitent alors pour s’enfuir.
C’est aussi le cas du concombre de mer, un cousin éloigné des oursins et des étoiles de mer.

Concombre de mer
Cet animal peut dévaginer son tube digestif par la bouche ou par l’anus et l’envoyer en direction du prédateur qui va se trouver empêtré dans des viscères collants et toxiques. Suite à son éviscération, le concombre régénère son tube digestif en quelques jours.


Certaines limaces de mer utilisent l’autotomie comme procédé d’élimination des parasites dont elles sont infestées. Elles perdent littéralement la tête, se décapitant pour se libérer de leur corps parasité.

Autotomie chez la limace de merAutotomie chez la limace de mer
En quelques jours, elles reforment un corps tout neuf à partir de leur tête. Marie-Antoinette en aurait rêvé !
De la même façon, le crabe violoniste peut s’arracher une pince lorsqu’elle est abîmée.


Il devra cependant attendre la prochaine mue pour la voir régénérer.
Chez les mammifères, les bois des cervidés sont un autre organe capable de se régénérer quasi intégralement. Les bois sont des structures osseuses qui sont perdues tous les ans à l’équinoxe de printemps, c'est-à-dire autour du 20 mars.

Cycle-de-croissance-des-bois-de-Cerf-Adapte-de-Haigh-et-Hudson-1993
La repousse débute fin avril et se poursuit jusqu’à l’automne suivant. La pousse est très rapide puisqu’ils grandissent de 2cm par jour. Le cycle des bois est majoritairement sous l’influence des hormones sexuelles. L’autotomie des bois résulte d’une baisse de la testostérone après la période de reproduction ce qui entraîne une ostéoporose, c'est-à dire une diminution de la densité osseuse des bois qui vont finir par tomber. 

Tous ces exemples montrent que le processus de régénération est largement répandu chez les animaux. Doit-on parler de “la régénération” ou “des régénérations”? La question fait débat.

Premier scénario évolutif de l'origine de la régénération
Le premier scénario possible est celui d’une origine commune de la régénération à tous les animaux, les plantes et les champignons. L’ancêtre commun de tous ces organismes serait doué de la capacité de régénération. Des pertes de cette capacité auraient eu lieu dans certaines lignées.

Deuxième scénario évolutif de l'origine de la régénération
Le second scénario quant à lui propose des apparitions indépendantes de la capacité de régénération dans différentes lignées et donc privilégie un processus de convergence évolutive. Dans ce cas, nous aurions alors “des régénérations”. Le nombre grandissant d’espèces étudiées dans l’arbre du vivant au niveau moléculaire et cellulaire devrait permettre de reconstruire l’histoire évolutive de ou des régénérations.
D’ailleurs, lorsqu’on s’intéresse aux mécanismes impliqués on peut voir que la régénération est souvent présentée comme une reprise des mécanismes qui interviennent lors du développement embryonnaire. Là encore cette question fait débat.
Même si les gènes impliqués semblent identiques et si les deux processus font intervenir de la prolifération, de la mort cellulaire programmée et de la migration cellulaire, le contexte biologique n’est pas le même. En effet, dans un cas il s’agit d’un organisme en développement avec des organes qui se construisent progressivement, dans l’autre cas il s’agit d’un organe qui se met en place dans un contexte adulte.  Si on prend l’exemple de la patte d’une salamandre, le régénérat devra repousser à partir d’un moignon dans lequel les cellules sont différenciées et le système immunitaire mature.

Salamandre
Cette patte est déjà innervée ce qui rend la régénération dépendante de cette innervation. Les échelles de taille sont très différentes puisque la larve de salamandre fait 3cm de long et l’adulte 15cm.  Selon les organismes, la régénération nécessitera soit le recrutement de cellules progénitrices issues de cellules souches existantes ou alors de cellules différenciées, des cellules musculaires par exemple, qui vont perdre leurs caractéristiques morphologiques et fonctionnelles et revenir à un état type “cellules souches”. Dans de rares cas, on a même des phénomènes de trans-différenciation, c'est-à-dire le passage d’une identité cellulaire à une autre. Par exemple une cellule de l’épiderme qui devient une cellule nerveuse sans passage pas un état cellule souche. C’est le cas chez l’hydre. C’est également le cas pour  l'œil de la salamandre, où les cellules du cristallin en régénération proviennent de la transdifférenciation des cellules de l’iris.   
Chez l’humain la capacité de régénération est très limitée. Nous vous avons déjà parlé du foie. Vous connaissez peut-être quelqu’un dans votre entourage qui a vu le bout de son doigt sectionné. La régénération de l’extrémité des doigts est plutôt bien documentée dans la littérature scientifique. Celle-ci concerne la dernière phalange uniquement. Si l’os est sectionné, il faut que la base de l’ongle soit conservée pour que la régénération puisse avoir lieu. La morphogenèse est bonne jusqu’à l’âge de 6/7 ans mais incomplète ou présentant des malformations si l’individu est plus âgé et si l’os est sectionné. Ne coincez pas vos doigts dans les portes pour tenter l’expérience!  Pourtant nous avons tout dans notre boîte à outils moléculaires et cellulaires pour régénérer. Les chercheurs tentent donc de comprendre d’où vient cette limitation dans le processus de régénération. Ils développent également des stratégies pour pallier cette incapacité.  
Actuellement 3 stratégies sont explorées en médecine régénérative :
-la stimulation des cellules souches du patient
-la transplantation ou greffe de tissus ou d’organes
-l’utilisation de tissus ou d’organes artificiels 

Nous allons vous parler un peu plus de certaines de ces stratégies. 
Chez l’humain, nos cellules ont une durée de vie variable, de quelques jours à plus d’un an. 
Tout au long de la vie adulte, l’intégrité des organes nécessite un renouvellement constant des tissus, pour compenser la perte des cellules due à leur vieillissement naturel ou en réponse à des stresses. Ainsi, une cellule de l’épiderme a une durée de vie de 3 à 4 semaines avant d'être renouvelée, un globule rouge de 120 jours, une cellule de la rétine d’ une dizaine de jours, tandis que les cellules tapissant la surface interne de l'intestin sont renouvelées tous les 5 jours. Cette jouvence est plus limitée dans le système nerveux. Chez les mammifères, ce renouvellement cellulaire est possible grâce à la présence de cellules souches adultes localisées dans des sites anatomiques particuliers appelés « niches ».

Niches de cellules souches chez l'humain
Ces dernières permettent aux cellules souches de se maintenir en dormance et/ou de s’auto-renouveler sous le contrôle de signaux. Des niches sont ainsi présentes à plusieurs endroits de notre organisme: os, cerveau, moelle osseuse, peau, épithélium intestinal,…  La première stratégie en médecine régénérative consiste en une stimulation du renouvellement cellulaire par les cellules souches de l’individu. Celle-ci est en cours de test pour traiter la sclérose en plaques, maladie auto-immune qui affecte les cellules de Schwann et oligodendrocytes qui sont des cellules du système nerveux central qui protège les fibres nerveuses provoquant des perturbations motrices, sensitives et cognitives.  Une seconde stratégie est basée sur l’injection de cellules souches. On parle alors de thérapie cellulaire. Dans un premier temps, les chercheurs ont envisagé d’injecter des cellules souches embryonnaires, appelées cellules ES. L’utilisation de ces cellules soulèvent néanmoins de nombreuses questions éthiques, notamment parce leur prélèvement nécessite la destruction d’un embryon et donc d’une vie humaine potentielle. De plus, leur utilisation présente des risques de développement de cancer. Un autre type de thérapie cellulaire a valu à Yamanaka et Gurdon un prix Nobel en 2012. Elle propose l’utilisation de cellules pluripotentes induites appelées IPS. Il s’agit de transformer une cellule adulte spécialisée, une cellule du derme par exemple, en cellule immature capable de redonner n’importe quelle cellule de l’organisme. La technique consiste à faire pénétrer dans les cellules adultes quatre gènes, normalement exprimés dans les cellules souches embryonnaires. La surexpression de ces gènes reprogramme la cellule mature spécialisée en cellule IPS immature.  Depuis 2007, des centaines de lignées de cellules IPS ont été obtenues à partir de presque tous les types de cellules adultes. Par exemple, en 2021, une équipe japonaise a publié un travail sur la régénération du nerf optique à partir de cellules différenciées de l’iris transformées en IPS.

Nous espérons que ce dossier vous aura permis de découvrir cette propriété fascinante qu’est la régénération et pour finir, nous conclurons par une citation de Richard Goss datant de 1969 et publiée dans son livre “Les principes de la régénération”:

S'il n'y avait pas de régénération, il n'y aurait pas de vie. Si tout se régénérait, il n'y aurait pas de mort
If there were no regeneration, there could be no life. If everything regenerated there would be no death.

Bibliographie:

  • Axel Kahn et Fabrice Papillon. Le secret de la salamandre - La médecine en quête d'immortalité. NiL Edition. 2005.

  • Gilles Barroux. Philosophie de la régénération - médecine, biologie, mythologies. L’harmattan Edition. 2009.

  • Charles E. Dinsmore. A History of Regeneration Research - Milestones in the Evolution of a Science. Cambridge University Press. 1991.

  • Richard J Goss. Principles of regeneration. Academic press. 1969

  • Claude Perraut. Essais de Physique ou recueil de plusieurs traités touchant aux choses naturelles - De la génération des parties qui reviennent à quelques animaux après avoir été coupées.

  • Henri Lamendin. Lazzaro Spallanzani (1729-1799) - le père de la biologie médicale expérimentale. L’harmattan Edition. 2012.

Cerf

  • Crigel, M., Balligand, M., & Heinen, E. (2001). Les bois de cerf : revue de littérature scientifique. Annales De Medecine Veterinaire, 145.

Concombre de mer

Crabe

Hydre

  • Abraham Tremblay. Mémoires pour servir à l’histoire d’un genre de polypes d’eau douce  bras en forme de cornes. Verbeek, Leiden. 1744.

  • Bode, H. R. (2012). The head organizer in Hydra. The International Journal of Developmental Biology, 56(6‑8), 473‑478. https://doi.org/10.1387/ijdb.113448hb

  • Vogg, M. C., Galliot, B., & Tsiairis, C. D. (2019). Model systems for regeneration : Hydra. Development (Cambridge, England), 146(21), dev177212. https://doi.org/10.1242/dev.177212

Limace de mer

Planaire

  • Ivankovic, M., Haneckova, R., Thommen, A., Grohme, M. A., Vila-Farré, M., Werner, S., & Rink, J. C. (2019). Model systems for regeneration : Planarians. Development, 146(17), dev167684. https://doi.org/10.1242/dev.167684
     

Souris épineuse

Histoire évolutive de la régénération

Médécine régénérative

Cellules souches pluripotentes induites (IPS) Un outil formidable pour la recherche... qui va révolutionner les nouvelles thérapies [Dossier INSERM]

  • Yamamoto, N., Hiramatsu, N., Ohkuma, M., Hatsusaka, N., Takeda, S., Nagai, N., Miyachi, E.-I., Kondo, M., Imaizumi, K., Horiguchi, M., Kubo, E., & Sasaki, H. (2021). Novel technique for retinal nerve cell regeneration with electrophysiological functions using human iris-derived ips cells. Cells, 10(4), 743. https://doi.org/10.3390/cells10040743 

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