Strange Stuff And Funky Things

Si vous avez trouvé charmantes ces images de Succinea Putris, ce joli petit gastéropode, ne poursuivez pas votre lecture...



Ça y est, votre curiosité a pris le pas sur votre bon sens? Tant pis pour vous...
Notre gentil petit escargot vit donc de feuilles et d'eau fraiche, bavant allègrement à proximité des cours d'eau en Europe et en Asie. Suivant son petit bonhomme de chemin, il lui arrive parfois d'ingérer un peu n'importe quoi, comme par exemple des fientes d'oiseau qui aurait éclaboussé son déjeuner. Malheur, petit escargot! Que mal t'en pris d'ainsi te jeter sur de la bouse de volatile! En effet, dans ces déjections se cachent parfois un terrible parasite: le ver plat (plathelminthe) Leucochloridium paradoxum.
Alors que bon nombre de vers plats peuvent nous émerveiller par leurs couleurs qui chatoient, la plupart préfère parasiter divers animaux comme Homo sapiens. Est-ce que le ténia ou ver solitaire, comme plathelminthe parasitaire, ça vous dit quelque chose?
Revenons-en à notre petit gastéropode. Comble de malheur, m'exclamais-je plus haut, celui-ci vient d'ingérer des petits vers sous formes de sporocystes, c'est à dire de groupes de spores, comme pour des champignons ou pour des fougères... Sous cette forme, Leucochloridium paradoxum est très résistant et peut même survivre à un petit séjour dans le tube digestif de l'escargot, le temps de se développer et de produire des sacs pulsatiles et colorés dans lesquels se logeront les œufs.

Ces sacs vont se diriger vers les tentacules de l'escargot, dans lesquels ils vont s'engouffrer, le tout prenant l'aspect de petites chenilles bien charnues-dodues:

Autant dire que ce genre de décoration, ça attire l'œil, et particulièrement celui des oiseaux: en fait, pour accomplir son cycle de vie, le ver plat doit se transformer en forme sexuée à l'intérieur d'intestins d'oiseaux (un peu comme pour Toxoplasma). L'escargot est donc un hôte intermédiaire, une étape nécessaire avant d'atterrir dans les boyaux de l'hôte final: l'oiseau!
Si on étudie un peu plus en détail le comportement de l'escargot infecté, on peut remarquer un net changement: alors que d'habitude celui-ci évite de se balader sur des feuilles en pleine lumière et d'y rester toute la journée, notre pauvre escargot se retrouve à attendre sagement d'être picoré. Vous l'aurez compris, à l'instar du nématomorphe, de toxoplasma et des larves de guêpes parasitoïdes, Leucochloridium paradoxum réussit à contrôler le comportement de sa victime. Mais là où je trouve que le sadisme et l'ironie atteint des sommets, c'est quand on se rend que non seulement la majorité des oiseaux se contentent de prélever que ses tentacules à l'escargot, mais que comble de malheur pour lui, celles-ci régénèrent... Puisque seuls les sacs d’œufs sont dévorés et qu'une partie des vers sont encore dans le tube digestif de Succinea putris, le pauvre gastéropode va donc poursuivre son calvaire, régulièrement mutilés par des oiseaux, puis régénérant ses appendices jusqu'à la prochaine séance de torture. Le supplice de Prométhée à la mode invertébrée. Si la narration de ce scénario d'horreur ne vous a pas suffit, les vidéos suivantes devraient achever de vous convaincre que la nature est souvent bien cruelle!

Edit 2016:
Depuis la publication de cet article, ce monstrueux parasite a pointé le bout de ses sacs d’œufs à plusieurs reprises: en dessin grâce à Nicotupe qui l'a transformé en Freaky Friday Parasite Meme, et en vrai dans la vraie vie, observé et photographié lors d'une sortie naturaliste que j'organise en tant qu'enseignant. Je ne résiste pas au partage du gif que j'ai réalisé...

... puis modifié pour le rendre badass!
 

Liens:
Distome (Leucochloridium paradoxum)