Freaky Friday Parasite

[Freaky Friday Parasite] Les mouches sans ailes, ni pattes, déguisées en bébés fourmis

Tête d'ouvrière Aenictus gracilis, © Copyright Gary Alpert, 2005-2008
Il est a priori difficile de croire que des mouches peuvent être une menace pour une horde de fourmis légionnaires. Pourtant, on l’a déjà vu auparavant, les mouches du genre Phoridé, comme Pseudacteon, peuvent avoir des techniques de pontes assez radicales et aux effets particulièrement gore sur les têtes de leurs victimes. Pas mal pour des mouches qu’on surnomme les mouches bossues!
Cependant, dans la famille, on est pas toutes des mouches tueuses ninja zombifiantes, non, non! La plupart au contraire, se la coulent douce. A l’instar des papillons lycénidés (dont le fameux exemple, en deux épisodes, des papillons bleus), certaines mouches bossues choisissent la carte du cleptoparasitisme pour vivre les doigts de pieds en éventail (enfin griffes des tarses en éventails). La tactique est simple: pénétrer la fourmilière, (ou dans le cas des fourmis légionnaires, s’intégrer au bivouac), et se faire nourrir en se faisant passer pour une larve de fourmi. Quand on est au stade larvaire c’est plutôt facile, mais quand on s’apprête à se métamorphoser en adulte, va falloir drôlement bien se déguiser pour passer inaperçu, masquer ses pattes, ses ailes, etc… Comment donc prolonger un état larvaire pour profiter du confort SPA des fourmis tout en étant sexuellement mature? Néoténie, me répondront les habitués! Et bien dans le cas de la famille Vestigipoda, c’est encore autre chose…
Le groupe de mouches que je vais vous présenter, a choisi le déguisement ultime!

Fourmi Aenictus portant tendrement une femelle Vestigipodia longiseta
Vous pourriez penser que cette ouvrière Aenictus porte gentiment une larve appartenant à sa colonie… Et bien que nenni! Vous comme elle, vous êtes fait bérné par le déguisement de Vestigipoda! Voici en effet le portrait de trois femelles adultes appartenant à trois espèces de mouches différentes: Vestigipoda breviseta, Vestigipoda  intermedia et Vestigipoda longiseta. C’est en tout 5 espèce de mouches Vestigipoda qui ont été répertoriées à ce jour, toutes trouvées en Malaysie.

Vestigipoda breviseta et Vestigipoda  intermedia
Vestigipoda longiseta
On voit bien l’efficacité du déguisement sur cette dernière image. Notre mouche (adulte je répète) est celle qui est plus blanche parmi les larves des fourmis légionnaires du genre Aenictus. Et si vous êtes attentifs, vous pourrez remarquer la tête bien développée de chacune de ces mouches (à gauche sur chaque photo). Pour référence, une tête de larve de mouche, ça ressemble à ça:

tête de larve d'Oestridae
On est loin de la tête de mouche avec yeux composés, antennes, etc… qui se trouve à l’extrémité des pseudo-larves de Vestigipodia. Quelques images au Micoscope à Balayage électronique nous permettent de voir plus en détail un spécimen (toujours femelle) de l’espèce Vesigipodia maschwitzi :

Vestigipoda maschwitzi femelle vue de dessus et du côté droit, en microscopie électronique
Vestigipoda maschwitzi femelle vue de dessus et du côté droit, en microscopie électronique

Vue de dessus de la tête, thorax et premier segment abdominal d'une femelle Vestigipoda maschwitzi, Miscroscope électronique
Vue de côté de la tête, thorax et premier segment abdominal d'une femelle Vestigipoda maschwitzi, Miscroscope électronique
Vue du haut et de côté de la tête, thorax et premier segment abdominal d'une femelle Vestigipoda maschwitzi, Miscroscope électronique.

On reconnait bien la bosse caractéristique des mouches du genre phoridé, mais on peut aussi reconnaitre les yeux (poilus) ou le proboscis (la sorte de trompequi leur sert à se nourrir). C’est cependant en retournant la bestiole qu’on trouve une autre belle surprise :

Vue de dessous de la tête, thorax et premier segment abdominal d'une femelle Vestigipoda maschwitzi, Miscroscope électronique

Vue de dessous de la tête, thorax et premier segment abdominal d'une femelle Vestigipoda maschwitzi, Miscroscope électronique

Il y a des petites bosses sur le dessous du thorax, là où l’on devrait trouver des pattes : ce sont donc des reliques, des pattes vestigiales (à l’instar de notre coccyx, organe vestigial d’une queue que portait nos ancêtres)! C’est d’ailleurs ces protubérances vestigiales qui leur a valu le nom de Vestigipoda.
Mais qu’en est-il des mâles alors? Et bien le mystère est complet. Les chercheurs qui ont découvert ces femelles n’ont caractérisé aucun mâles dans leurs collections. Ils supposent donc que les mâles ont gardé une morphologie plus normale et ont peut être été identifiés comme appartenant à une autre espèce. Ce sera donc un sacré challenge de reconnaitre les mâles sans observer un accouplement avec leurs étranges femelles.
En tout cas, quant à moi, mon déguisement pour Halloween est tout trouvé!

Liens:
Article Catalog of Organisms
Article… d’un site japonais
Article Why Evolution is True

Références:
Disney, R. H. L., A. Weissflog & U. Maschwitz. 1998. A second species of legless scuttle fly (Diptera: Phoridae) associated with ants (Hymenoptera: Formicidae). Journal of Zoology 246 (3): 269-274.
Maruyama, M., R. H. L. Disney & R. Hashim. 2008. Three new species of legless, wingless scuttle flies (Diptera: Phoridae) associated with army ants (Hymenoptera: Formicidae) in Malaysia. Sociobiology 52 (3): 485-496.

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