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Parasites : ces malaimés pourtant très attachants
À l'occasion de la Saint-Valentin, j'ai trouvé opportun de publier ici une vidéo captée dans le cadre des rencontres "midideux" organisées par le Centre d’art et de recherche BétonSalon. J'avais été convié à rejoindre 5 autres intervenants durant l’exposition TEMPLE OF LOVE de Gaëlle Choisne ce qui a abouti à six mini-conférences autour de l’amour.
Vous me connaissez, j'ai voulu faire mon original et donc évoquer l'amour... chez les parasites. Ainsi, voici comment le public était incité à participer à ma présentation :
Et sans plus attendre, voici la captation vidéo de cette conférence :
Pour l'accompagner, voici donc le script illustré de cette présentation :
Bonjour à tous, je suis Pierre Kerner, Maître de Conférences dans cette Université et également l’auteur d’un blog de vulgarisation scientifique et d’une chaîne qui porte le nom de Strange Stuff and Funky Things, mais aussi d’un livre récemment publié aux éditions Belin : Moi, Parasite. Dans ce livre qui est illustré par Alain Prunier et Adrien Demilly, un chapitre entier est dédié à la sexualité des parasites.
Car oui, on peut s’intéresser à la sexualité des parasites, et celle-ci recèle bien des surprises. Ce chapitre s’appelle le Kama-Sutra Parasitaire, et voici l’illustration qu’a réalisée Adrien Demilly, inspiré par les jardins des délices de Jérôme Bosch, mais surtout par les pratiques amoureuses des parasites.
Vous allez voir que ce sont de grands romantiques. En premier plan de cette illustration, vous pouvez voir la scène curieuse de deux abeilles qui semblent butiner les parties génitales d’un corps humain. C’est l’évocation d’un phénomène particulièrement pervers réalisé par un parasite surprenant : une orchidée (j'en parlais ici pour Podcast Science).
Chez les orchidées du genre Ophrys, comme l’Ophrys apifera représentée ici, la pollinisation n’est pas un échange de bon procédé comme on peut le voir souvent entre les abeilles qui butinent volontiers des fleurs en échange de gouttes de nectar.
Les Ophrys ont trouvé un moyen de transporter leur pollen sans dépenser des ressources à accumuler du nectar. Leur astuce, c’est de se parfumer à l’odeur d’abeille femelle, et que leurs pétales ressemblent grosso modo au thorax et aux ailes d’une envoûtante femelle abeille.
Des mâles sont attirés de manière irrépressible vers la source de cette odeur, et, installés sur la fleur, commencent à tenter de se reproduire avec.
Les mâles sont récompensés de leur ardeur par un fardeau de pollen, des pollinies, qui viennent se coller sur leur dos ou leur arrière train. Penauds, ils s’envolent jusqu’à rejoindre une autre fleur au parfum irrésistible, qu’ils auront tôt fait de féconder avec leur sac de pollen parasite.
Mais plutôt que de parler des parasites de l’amour, parlons plutôt de l’amour des parasites, en évoquant quatre exemples ici, illustrés par Alain Prunier.
Chez certains animaux, un des partenaires, souvent le mâle, devient littéralement un parasite. C’est le cas par exemple des mâles des baudroies des abysses, Haplophrine mollis, ou encore ceux des crustacés parasites Acanthochondria cornuta.
On observe ce qu'on appelle un dimorphisme sexuel extrême chez ces deux espèces, où les femelles sont bien plus grandes que les mâles. Chez les baudroies, les mâles sont ainsi à peu près 10 fois inférieurs en taille que les femelles et leur unique but va être de trouver et littéralement fusionner avec une femelle. C'est à dire que la bouche du mâle s'accole à la paroi de la femelle et il y a une fusion du système vasculaire de la femelle pour pouvoir alimenter le mâle qui finalement va servir uniquement de testicules ambulants. Parfois une femelle peut se retrouver avec plusieurs mâles qui ont fusionné sur elle.
Ce système s'explique chez la baudroie des abysses par la difficulté de faire des rencontres amoureuses fréquentes dans leur environnement, conditions qui sont tout autant difficiles pour des espèces parasitaires comme le crustacé parasitaire Acanthochondria cornuta qui loge dans les branchies de poissons.
Ce genre de dimorphisme sexuel impressionnant existe aussi chez des vers parasitaires portant le nom de schistosome :
Les schistosomes sont les agents de la bilharziose chez les humains et chez les souris et ont un impact délétère très important sur la physiologie de leurs hôtes. Et curieusement, il y a eu de nombreuses études sur leur sexualité (parce qu'ils ont droit aussi d'avoir une vie sexuelle épanouie) et il s'avère que celle-ci est fortement romantique. Encore une fois, il existe un fort dimorphisme sexuel chez cette espèce avec les femelles vermiforme, maintenues très collé collé serré serré contre le mâle qui, lui, est fendu en deux et forme une sorte de manteau dans lequel il va envelopper une femelle. Cet enlacement romantique a laissé souvent les naturalistes et les parasitologues penser que l'on avait une forme quasi parfaite de monogamie chez ces animaux parasites. C'est bien entendu l'environnement adverse, à savoir la circulation sanguine de l'hôte où chaque ver prélève des globules rouge, qui impose une telle proximité entre les deux partenaires sexuels. Le mâle généralement maintient
la femelle contre lui pour échanger plus facilement ses gamètes, c'est à dire des spermatozoïdes, qui sont transmis à la femelle dont le rôle va être de produire énormément d’œufs qui pourront être disséminés dans la circulation sanguine.
Mais la pure monogamie des schistosomes a été mis à mal par plusieurs études qui remontent aux années 60 et dont on a
aujourd'hui prouvé l'inexistence avec des images choquantes comme par exemple ce mâle qui tire la femelle d'un rival.
Donc à partir du moment où il existe des vols de partenaires sexuels chez ces parasites, cela malmène une vision dogmatique de la monogamie. Mais les parasites peuvent aussi nous rappeler que l'amour n'a pas de barrière, et nous offrir des exemples de cas d'homosexualité parfaitement naturelle, comme avec cette description de deux mâles qui se sont liés l'un à l'autre. Cela semble entraîner le développement d'ovaires chez le partenaire plus petit qui devient donc hermaphrodite.
Mais c'est pourtant bien chez les parasites qu'on peut trouver de véritables cas de monogamies, comme par exemple chez l'espèce Diplozoon, dont le nom veut littéralement dire double animal.
En effet lorsqu'on retrouve ces vers sur les branchies de leurs hôtes, des poissons, on peut être frappé par leur forme originale, celle d'une croix, et remarquer rapidement qu'il s'agit en fait de deux animaux qui ont fusionné. Ce sont des organismes qui sont hermaphrodites c'est à dire que chacun des vers porte à la fois des testicules et des ovaires et à l'état larvaire ils sont séparés. Mais lorsqu'on se retrouve sur des branchies de poissons, cela devient compliqué de trouver un partenaire sexuel. Pas de tinder pour facilement localiser les larves chaudes de la région. Donc dès qu'on trouve un partenaire, on fusionne avec lui, notamment les appareils génitaux permettant alors de produire des œufs fécondés en continu. Voilà donc à quoi ressemble le romantisme absolu !
Mais j'aimerais profiter de cette intervention pour ne pas seulement vous décrire les amours des parasites, mais aussi pour tenter d'obtenir votre amour envers les parasites! Pas facile... Et pourtant c'est de cette manière également que j'avais voulu clore mon livre Moi, Parasite à travers un chapitre "Plaidoyer pour le bonheur parasite" où un virus expose tous les bienfaits que le parasitisme a pu avoir sur l'humanité.
[Version altérée de celle de la vidéo]
Parmi ces exemples, on peut citer tous les outils parasitaires que l'espèce humaine exploite, comme les biopesticides (souvent des guêpes parasitaires), ou les outils moléculaires chipés aux virus. Mais je voudrais conclure sur une considération beaucoup plus pertinente dans le cadre de cette conférence dédiée à l'amour : l'évolution de la sexualité. Voici donc un extrait de ce chapitre :
La seule chose qui survive d’un organisme à travers l’espace et le temps, c’est son information génétique. Ainsi, pour jouir pleinement d’une transcendance évolutive, transmettre l’intégralité de son patrimoine génétique à sa descendance est ce qu’il y a de plus efficace. C’est la doctrine de la reproduction asexuée. Celle du sexe, c’est la fusion de deux génomes incomplets, créant ainsi un organisme qui, par essence, ne peut ressembler tout à fait à ses géniteurs. L’énigme métaphysique qui hante l’esprit de nombreux biologistes évolutionnistes est de comprendre comment, au cours de l’évolution, le sexe peut être privilégié alors qu’il semble moins avantageux pour le géniteur du point de vue de la transmission de son patrimoine génétique. [...]
Chez une espèce où les deux types de reproduction sont possibles (sexuée et asexuée) une interaction coévolutive hôte/ parasite peut fournir une pression de sélection entraînant le maintien d’une reproduction sexuée. Le sexe, d’un point de vue génétique, entraîne en effet un brassage génétique plus important que la reproduction asexuée. Or, ce brassage favorise la probabilité d’apparition de variants compétitifs. Plusieurs expériences ont été menées, soit dans la nature, en observant par exemple des gastéropodes parasités par des douves, soit en laboratoire, où des petits vers nématodes subissent le parasitisme mortel de bactéries. Ces recherches ont montré que, dans un contexte coévolutif, la probabilité de survie des hôtes à leur parasite dépend du mode de reproduction employé au fil des générations : à terme, les populations misant sur la reproduction sexuée survivent mieux à leurs parasites et la reproduction asexuée est contre-sélectionnée. Je crois qu’il est temps pour vous d’offrir votre gratitude aux parasites qui ont joué ce rôle dans l’évolution des modes de reproduction !
Références :
Steinauer, M. L. (2009). The sex lives of parasites : Investigating the mating system and mechanisms of sexual selection of the human pathogen Schistosoma mansoni. International journal for parasitology, 39(10), 1157‑1163. https://doi.org/10.1016/j.ijpara.2009.02.019
Par taupo, lundi 14 février 2022. Lien permanent
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