Freaky Friday Parasite

[Freaky Friday Parasite] : Ceci dit, c'est d'la galle

Quand on parle de galle, on pense rarement qu'il s'agit d'un terme consacré de botanique. C'est certainement parce que la galle botanique est un homophone de l'horrible gale, le parasite acarien spécifique à l'homme. La galle est inoffensive pour l’homme et pourtant, si les plantes pouvaient frémir, elles le feraient certainement en entendant parler des galles, ou cécidies (d'où le jeu de mot pourri du titre de cet article...).

La galle, c’est un peu le cancer de l’arbre: il s’agit d’une excroissance tumorale qui peut apparaitre sur le tronc, les tiges, les feuilles, les racines ou les fruits d’une plante. Je ne saurai pas trop l’expliquer, mais depuis que je sais que les arbres peuvent avoir ces cancers, j’ai beaucoup plus de facilités à les considérer comme des organismes vivants (c’est con pour un biologiste d’avoir besoin d’en passer par là, mais bon, le biologiste est humain…). Mais là où mon empathie devient totale, c’est quand on aborde le sujet des éléments qui peuvent causer ces tumeurs. En effet, les galles sont produites par une grande variété de parasites: virus, nématodes, champignons, bactérie (comme la célèbre Agrobacterium tumefaciens... enfin célèbre pour les biologistes, quoi). Mais les plus courants, ce sont les arthropodes et plus particulièrement des insectes parasites! On appelle ces saloperies des insectes gallicoles ou cécidiogènes.

La plupart du temps, ces galles sont formées autour d’un embryon parasite qui s’y développera alors jusqu’à un stade larvaire où il pourra se nourrir des nutriments apportés par la plante. Parfois, l’aubaine est telle qu’une véritable nuée d’insectes va se loger à l’intérieur de la galle comme pour celle générée par la guêpe Biorhiza pallida dont la larve peut rapidement être rejointe par pas moins de 75 autres espèces d’arthropodes.

 

 

Mais vous allez voir que pour une fois, la plupart des clichés que je vais vous présenter aujourd’hui seront plutôt jolis par rapport à ce que je vous ai habitué à voir dans cette rubrique. Même le vocabulaire utilisé pour parler des galles a quelque chose de… fleuri. En effet, voici les termes utilisés pour classer les différentes catégories de galles rencontrées dans la nature: grosse pomme, petite pomme, cerise, raisin, clou, citron, masse d'armes, lentille, bouton, huitre, bourse, tire-bouchon, artichaut, bille de bois, bédégar

 

Parmi les arthropodes (les animaux aux pattes articulées, avec notamment les crustacés, les insectes et les chélicérates) de très nombreux acariens (donc arachnides) se sont adaptés à la sape des végétaux et forment des galles soient pour y vivre en colonie, soit à la suite de piqures pour se nourrir. En voici quelques exemples:

 

Galles du Tilleul infecté par Eriophyes tiliae

Eriophyes tiliae

 

Galle sur l'érable champêtre par Aculodes cephaloneus

 

  Aculodes cephaloneus

 

Généralement, une seule femelle d’acarien fécondée provoque la formation de nombreuses ébauches de galles dans lesquelles elle pond ses œufs. Plusieurs générations d'acariens se succèdent dans les galles au cous de l'été.

A l'automne, seules les femelles fécondées migrent hors de la galle. Elles hivernent, puis redonnent de nouvelles galles au printemps.

 

Passons maintenant aux pucerons, faisant partie des insectes dits aphides. Leur alimentation à base de sève de végétaux n’est un secret pour personne, mais les galles que certaines espèces de pucerons peuvent provoquer risquent de vous surprendre. On peut les classer par forme en commençant par exemple par les galles ananas:

 

 

  Galle de l'épicéa commun due à Adelges abietis

 Galle (ouverte) de l'épicéa commun laissant apparaitre Adelges abietis

 Galle (ouverte) de l'épicéa commun laissant apparaitre Adelges abietis

 

Le cycle de vie d'Adelges abietis

D’apparence assez proéminente, les galles ananas ou pseudo-cônes sont souvent confondues avec de véritables pommes de pin. Pourtant leur taille n’est tout de même pas comparable et d’autres indices permettent de les différencier comme leur position sur les tiges et le fait que bien souvent, la branche continue à pousser à travers la galle.

 

Et voici maintenant les galles tire-bouchon ou torsade:

 

Galle du peuplier due à Pemphigus spirothecae

Galle ouverte du peuplier laissant apparaitre Pemphigus spirothecae

 

Puis il y a aussi les galles en bourse qui proviennent d’un évènement assez intéressant: une galle tire-bouchon du peuplier remplie de pucerons est infectée par une mouche Syrphide dont la larve va se nourrir progressivement de tous les pucerons. Résultat, la galle est distendue et prend l’apparence d’une bourse:

 Galle du peuplier due à Pemphigus bursarius et Heringia heringi

Galle du peuplier due à Pemphigus bursarius et Heringia heringi

 

Larve de la mouche Syrphide Heringia heringi se nourissant des pucerons dans la galle en forme de bourse

 

 

Enfin, pour clore cette partie sur les galles d’aphides, il y a le cas de étranges galles pédonculées des feuilles d’ormes causées par Byrsocrypta.
 

Galle pédonculée d’une feuille d’ormes causée par Byrsocrypta

 

  Galle pédonculée ouverte révélant les pucerons Byrsocrypta

 

Et les mêmes formes sur un autre orme mais causées par l'espèce de puceron Eriosoma ulmi:
 

Galle pédonculée sur une feuille d'orme causée par Eriosoma ulmi

 

La même galle coupée laissant apparaitre les pucerons Eriosoma ulmi

 

Et pour finir, nous allons parler des galles provoquées par les mouches et guêpes cécidogènes (appartenant respectivement aux diptères et aux hyménoptères). Il y a tellement de mouches et guêpes cécidogènes, et tellement de formes de galles induites que je me suis restreint à ne répertorier que celles qui sont les plus strange (et bien entendu funky!). Que pensez vous par exemple des petites galles de la feuille de peuplier?

 

Petite galle de la feuille de peuplier causée par Harmandia tremulae

 

Et que pensez vous maintenant de leurs hôtes, de charmantes petites larves de la guêpe Harmandia tremulae?

 Harmandia tremulae

Harmandia tremulae

 

Pas assez zarbe? Bon ben on va aller crescendo. Tout d'abord, voici les galles en citron ou pépins d'orange trouvées sur le hêtre:

 

Galles en pépins d'orange sur un hêtre et causées par la mouche Mikiola fagi

 

Galle en pépin d'orange coupée laissant apparaitre la larve de Mikiola fagi

 

Allez, encore plus fou avec la galle extrêmement touffue d'une rose provoquée par la guêpe Diplolepis rosae

 Galle bédégar de la rose provoquée par Diplolepis rosae

 Galle bédégar de la rose provoquée par Diplolepis rosae
 

Galle bédégar de la rose provoquée par Diplolepis rosae

 Une autre vue

 

Section d'une galle révélant les larves de Diplolepis rosae

 

Une petite digression s'impose sur le sujet de cette guêpe dont le cycle de vie est assez passionnant. En effet, Diplolepis rosae est une espèce pratiquement totalement parthénogénétique (ce qui signifie que les ovules de la femelle n'ont pas besoin d'être fécondés par des spermatozoïdes mâles pour donner des adultes viables... Si vous avez besoin d'un exemple, de nombreuses personnes vouent un culte assez populaire pour un cas rare de parthénogenèse humaine). Moins de surprises chez les guêpes et les abeilles qui nous ont habitués à ce genre de castes d'individus parthénogénétiques. Cependant dans ce cas précis, une étude parue dans Heredity suggère qu'une bactérie, Wolbachia, provoquerait ces parthénogenèses en induisant la fusion des membranes des ovules dans l'appareil génital de Diplolepis.

Bref, fin de la digression et revenons à nos galles pour passer à celles en forme d'artichauts!

 Galle en artichaut provoquée par Taxomyia taxi

 Galle de l'if en artichaut provoquée par Taxomyia taxi

 

Pas mal hein? Bon ben on va finir avec ma galle préférée: la galle du gland de chêne (et par ailleurs, traiter quelqu'un de galle de gland, ça tape!)

 

Galle du gland provoquée par Diplolepis quercus

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Ben voilà, moi je n'ai qu'un mot à ajouter: la nature, c'est d'la galle!

 

Liens:
Aramel
British Plant Gall Society
Passion Nature

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